#1 : Parce que la culture et les imaginaires de l'amour

 

Vous vous demandez pourquoi il y a quelque chose d’attirant dans les relations que l’on pourrait qualifier de “toxiques” ? Ne cherchez pas plus loin, on tient votre premier coupable : le mythe culturel de “l’amour romantique” - aka LA mythologie prédominante du love dans nos sociétés occidentales, construite à grands coups de stories à la sauce Disney et autres rom-com style Bridget Jones (ou comment vous enfoncer bien profond dans le cerveau l’idée selon laquelle dater des connards = le goal ultime).

 

D’ailleurs, le complexe de Cendrillon, on en parle ou bien ? Théorisé par l’autrice et psychothérapeute étatsunienne Colette Dowling, ce syndrome pose, dans sa définition, les bases du concept de la dépendance affective.

In other words, il raconte l’histoire de celleux qui cherchent en leur partenaire un “prince charming” (ou une princesse, c’est selon) - aka quelqu’un·e qui leur permettrait d'atteindre le saint Graal de l’épanouissement et du kif absolu dans leurs vies, rien qu’en leur donnant de l’amour en barres (#sauvezmoi). Est-il utile de vous préciser que ce syndrome touche majoritairement les personnes qui se construisent socialement en tant que femmes ? Duh.

On notera aussi (pour nuancer et vous donner du grain à moudre), que cette tendance que nous pourrions avoir à choisir des partenaires qui ne nous conviennent pas ou qui nous frustrent franchement, pourrait aussi dépendre de notre “style d’attachement” - selon la théorie éponyme développée par le psychologue John Bowlby, dont on vous parlait déjà dans cet article. Nos “premiers pas” dans les relations humaines pendant l’enfance pourraient bien être déterminants dans la façon dont nous choisissons nos partenaires à l’âge adulte. Coucou et merci (ou pas) les darons.

 

#2 : Parce que trop souvent on pense que souffrance = kiffance

 

Cette culture de l’amour torturé pose d’autant plus problème qu’elle contribue à créer une analogie bien relou entre l’intensité du sentiment amoureux et le niveau de souffrance que nous subissons. À base de “plus tu me fais mal, plus tu me fuis, plus tu me donnes l’impression que cette relation est impossible et douloureuse… Eh bah, plus je kiffe, en fait”. Bref : c’est la world famous histoire du Toxic de Britney, vous-même vous savez.

 

«Je t’aime à perdre la raison», «Je donnerais ma vie pour toi, tu sais même pas», «Je suis folle amoureuse de toi» : les expressions et mythes populaires qui associent le sentiment amoureux à la perte de soi et à la violence ne manquent pas, comme on vous l’expliquait déjà dans cet article inspiré du (génial) podcast Le Coeur sur la Table de Victoire Tuaillon.

Ce que l’on sait, en tous les cas, c’est que cette logique du “fuis-moi je te suis” (qui n’est franchement pas saine, quand on y pense, right ?), commence à bien nous relouter.

#3 : Parce qu’on pense que l’amour peut tout

 

Victoire Tuaillon donne aussi une piste intéressante pour répondre à notre (épineuse) question du jour. Selon elle, si nous nous fourrons éternellement dans des relations qui ne nous conviennent pas, c’est à cause de ce mythe de “l’omnipotence de l’amour” - soit l’idée selon laquelle “l’amour peut tout et doit tout” en mode quoiqu’il en coûte (y compris de se défoncer la gueule pour la cause).

 

Vous nous suivez ? Ce que l’on cherche à vous dire c’est que, quand on y pense bien, l’enjeu n’est sans doute pas tant de tomber à répétition sur les “mauvaises personnes”. Non : l’enjeu est peut-être de dire qu’à force de nous abreuver de ce genre de mythes et croyances, nous finissons toujours irrémédiablement par être déçu·es ou frustré·es. Parce que comme le dit la grande papesse du love Esther Perel : demander à une seule personne de satisfaire l’intégralité de nos besoins et de nos désirs (pour toute la vie qui plus est) revient à faire peser sur ses épaules un poids bien trop lourd et (disons le clairement) impossible à assumer.

 

#3 : Parce que nos amours sont à réinventer

 

Bon. Et si le problème dans l’histoire était tout simplement ce fckn système hétéronormé ? Celui-là même qui fait que, lorsqu’on est hétéro, les possibilités de trouver un partenaire qui soit capable de nous combler sont quand même franchement étriquées ?

 

Bref, si on pose la question autrement : est-ce que l’enjeu n’est pas tant de dire qu’on est “toujours attirées par les mauvaises personnes”... Mais plutôt de reconnaître qu’on répète constamment des schémas relationnels qui ne nous conviennent pas ? Et si, du coup, on lâchait ces vieux modes de fonctionnement relous pour tenter de réinventer l’amour ?

 

Bien sûr, on sait que ce n’est pas évident : parce que comme le dit la queen Mona Chollet dans ce podcast passionnant, on aimerait (tellement) que nos relations amoureuses soient un lieu de kif, d’abondance, de plaisir évident et facile… Une manière classieuse de dire qu’on a en fait moyen envie de se poser des questions qui fâchent parce qu’on a déjà bien assez d’emmerdes à côté. Et qu’on peut donc quelque part s’entêter à vouloir “rêver sa relation” et sombrer dans le déni en mode “viens on fout tout ça sous le tapis, balek, on verra après”.

Alors maintenant qu’on a dit tout ça : qu’est-ce qu’on fait ? Eh bien on se casse la tête, peut-être. On bosse tous les jours avec l’autre. On décide d’affronter ou pas les batailles qui s’imposent. De prendre le temps ou pas d’éduquer nos partenaires. Si on en a envie. Si le ratio plaisir / souffrir semble en valoir la peine. On peut aussi tenter le polyamour ou les relations libres. Oser dire que nos ami·es sont les amours de notre vie, et que ça nous suffit. Oser l’amouritié, le mode chambre à part, le partage de ressources féministes ou queer.

 

Bref, ce que vous voulez, en fait. Parce que parfois, il suffit d’ajuster les modalités de la relation - de discuter et d’échanger pour tout réinventer. Et sinon, levez-vous et cassez-vous. Non mais.

 

Crédits photos : Henri Pham, Nati Melnychuk et Jasmin Chew