Idée #1 : Faire dérailler l’escalator relationnel

 

Le constat : Crush. Flirt. Date. Textos enflammés et nuits plus chaudes encore. Rencontre avec les potes. Premiers mots d’amour et premières confidences. On explore, on découvre, on ne pense qu’à l’autre. Bref, on est en couple. Et puis le temps passe, et voilà qu’on se retrouve confronté·es à cette idée selon laquelle notre relation doit « aller quelque part ». À base du fameux « et les enfants, c’est pour quand ? » des grands-parents ou encore du fréquent « quand est-ce que vous emménagez ensemble ? » des potes.

 

Cette vision de l’amour comme une course d’orientation guidée par une feuille de route sur-détaillée, c’est ce que l’autrice étatsunienne Amy Gahran appelle « l’escalator des relations », c'est-à-dire le mouvement que l’on considère comme étant naturel et souhaitable quand on construit une love story avec quelqu’un·e. Vous vous verriez difficilement dater une personne pendant deux ans sans « passer à l’étape supérieure » ? Normal. Puisqu’on nous apprend depuis toujours que pour qu’une relation en soit vraiment une, il faut cocher une à une les cases de la « grande histoire d’amour ».

Le débat : Non contentes de nous foutre la pression pour réussir à trouver notre « moitié » et créer avec cette personne une relation parfaite ; ces attentes sont aussi problématiques dans la mesure où elles sont irréalistes. Expectation ? S’aimer pour la vie. Reality ? 1 mariage sur 2 dure moins de dix ans. Expectation ? S’entendre dire : « Il n’y aura personne d'autre que toi ». Reality ? 1 homme sur 2 et un tiers des femmes a déjà eu une relation sexuelle avec une autre personne que leur partenaire. Difficile de ne pas penser à l’écoute de ces chiffres cités par Victoire Tuaillon que les normes qui s’imposent à nous aujourd’hui ne sont pas un peu trop éloignées de la réalité de nos relations.

 

Les pistes de réflexion : Pour faire dérailler l’escalator matrixé des couple goals, on pourrait se demander : comment apprendre à aimer mes relations pour ce qu’elles sont, plutôt que de bloquer sur ce qu’elles ne sont pas ? De quoi est-ce que j’ai envie quand je mets de côté ce qui est attendu de moi ?

 

 

Idée #2 : Ne plus associer le sentiment amoureux à la souffrance

 

Le constat : L’amour n’est pas seulement un sentiment. C’est aussi une culture, un imaginaire, des histoires (coucou Cendrillon ou 50 Shades of Grey) qui façonnent nos manières d’aimer et de nous engager. En tête de liste du côté des trucs relous ? L’idée selon laquelle aimer va de pair avec souffrir.

 

« Aimer à perdre la raison », « Être folle amoureuse », « Mourir d’aimer », et on vous en passe… les expressions et mythes populaires qui associent le sentiment amoureux à la perte de soi et à la violence ne manquent pas. Elles sont même si dominantes qu’on peut avoir tendance à associer le degré de toxicité d’une relation à l’intensité de ce que l’on ressent.

 

Le débat : Pourquoi l’idée selon laquelle l’amour fait souffrir nous semble normale, désirable et acceptable ? Pour Victoire Tuaillon, c’est lié au mythe de l’omnipotence de l’amour - aka le fait de penser que l’amour peut et doit tout, quand bien même cela implique de se faire du mal (ex : « je vais guérir cette personne et elle va changer »). Si c’est problématique ? Un peu oui.

Les pistes de réflexion : Pour Victoire Tuaillon, l’idée serait de réaliser « qu’entre se soumettre à ces mythes oppressants et se barricader dans le cynisme pour éviter de souffrir, il y a tout un monde à inventer ». Par exemple ? Valoriser la tendresse, le soutien, l’estime, l’amitié, les fous-rires. Mettre au tapis l’idée selon laquelle quand tout se passe bien, c’est soit qu’il y a un truc qui cloche, soit qu’on va finir par trouver ça boring. Et puis se dire qu’il est possible d’ouvrir son cœur, de créer de l’intimité sans fusionner, de vivre une histoire passionnelle et passionnante sans souffrir... et que ça ne rend pas pour autant nos amours moins belles ou moins intenses.

 

 

Idée #3 : Faire de soi le grand amour de sa vie

 

Le constat : Se construire socialement en tant que femme, c’est apprendre à prioriser les besoins des autres sur les siens (quitte à en oublier ses propres envies), mais aussi intérioriser un paquet d’idées oppressantes pour la relation que nous entretenons avec nos corps (au point de les considérer comme des objets à parfaire ou à modeler #jamaiscommeilfaut).

 

Cette aliénation corporelle blesse nos capacités à aimer ou à être aimé·es. Parce que nos corps sont pris dans une éternelle boucle d’évaluation (comme dans « est-ce que je suis assez mince ? Assez jolie, assez bien ? »), ou de dévalorisation (comme dans « elle est plus jolie que moi », ou « je me sentirais mieux si je faisais du 38 »), il nous devient très difficile d’être connecté·es à nous-même, à nos désirs et à nos sensations. Et donc de considérer nos besoins et nos envies comme légitimes.

 

Le débat : Comment construire des relations saines quand on appris à se dévaloriser, voire à se détester ? Comment savoir ce que l’on veut vraiment si notre quête ultime est de plaire et de faire plaisir à l’autre avant tout ?

 

Si la valeur que nous nous accordons dépend de notre capacité à être la « meuf parfaite » (qui n’existe pas, oups), alors il est temps de comprendre qu’il est très difficile de faire vivre l’amour à plusieurs quand il n’y a pas d’amour de soi. Et que notre propension à nous dévaloriser nous mène souvent vers des dynamiques de dépendance affective, comme on vous l’expliquait déjà dans cet article.

Les pistes de réflexion : sortir de l’objectivation, du mépris, de la honte et de la haine de soi, c’est comprendre qu’on a une prise sur soi-même, sur sa vie, sur ses histoires d’amour. C’est dire haut et fort que nous sommes des sujets, pas des objets. Et pouvoir assumer nos corps autant que nos désirs. Qu’ils soient romantiques (comme dans « je préfère vivre seul·e et c’est ma manière de t’aimer tout en respectant mon espace »), ou sexuels (comme dans « ça m’exciterait qu’on fasse l’amour comme ça » ou « je n’ai pas de désir sexuel en ce moment »), ou sociétaux (comme dans « je suis très heureux·se dans ma vie de célib’ et je n’ai pas envie d’être en couple »).

 

Bref, s’aimer soi-même est une boussole indispensable pour poser ses limites dans le cadre de nos relations inter-personnelles. C’est savoir dire ce que l’on vaut et ce que l’on veut, sans avoir peur de perdre l’autre, sans douter de la légitimité de ce que l’on ressent. Pour dire non à celleux qui nous emmerdent, dire oui à ce qui nous excite. Pour vivre des histoires d’amour excitantes et novatrices. Parce qu’il y a tout à déconstruire et tout à inventer.