Avoir ses règles = être maxi épanouie

 

Maintenant il suffit de prononcer un mot random pour être assailli·e de pubs qui ciblent très spécifiquement ce produit très précis. Alors vous vous imaginez bien que les règles, c’est un doss qui revient souvent dans les algorithmes et chez les influenceur·euse·s (environ 1x par mois, quoi). Pas plus tard que cette semaine, une de nos copines nous a parlé d’une combi incroyable qu’elle avait vue en boutique. 5 minutes plus tard, hop, on l’a toutes reçue/dans nos fils Insta ? (Elle était vraiment ouf !)

Si les publicités ont beaucoup évolué depuis nos premiers émois (les produits, les mannequins, les situations, tout a changé.), les premières pubs auxquelles on a été exposé.e.s nous ont quand même bien matrixé·e·s.

Vous vous en rappelez, entre Always, Nana, Tampax ou Nett, on avait l’embarras du choix entre les produits (hors-de-prix) qu’on nous proposait et les filles réglées auxquelles on pouvait s’identifier. Belles, sportives, jeunes voire même parfois carrément sexy.

© Nana

 

Alors bien sûr, à l’époque, pas question de sortir de ce cadre. On ne voyait que cette typologie de femme blanche et idéale dans toutes les pubs. Donc, quand cette « femme-fantasme » de la télé avait ses règles, elle ne pouvait que rester attirante. Un tampon entre les jambes en plus. Bref, comme d’hab’, des représentations vues par les mêmes : des vieux mecs blancs tout-puissants. Le but : rendre les règles les moins repoussantes possibles (bah oui, vous comprenez, c’est quand même pas très agréable pour un homme de s’imaginer ça…) et donc faire des pubs plus tolérables pour tous. Des pubs à destination des femmes mais pour les hommes

Alors on fait des choses complètement absurdes. Askip, quand on a ses règles, bah en fait on est plus belle que jamais. On fait même plus de choses qu’en temps normal : on fait de l’équitation, on va à la piscine et surtout on court dans tous les sens pour montrer que vraiment, non, y’a pas de fuite. Finalement, les seules fois où on a le droit de rester à la maison et de faire une petite pause… c’est pendant le COVID.

© Always

 

Super. Merci pour votre considération. Et ça ne s’arrête pas là. Car, en plus d’être ultra-ultra-normées, les femmes réglées à la télévision semblent si heureuses et confiantes durant les pires jours du mois. Elles ont un smile ultrabright, elles rigolent apparemment à toutes les blagues qu’on leur fait et semblent vraiment (mais vraiment) épanouies émotionnellement. Je sais pas vous, mais nous perso, quand on a nos règles on a plutôt envie de se rouler en boule sous la couette, mettre Netflix en aléatoire et errer dans notre chambre. Et si vous voulez nous raconter des blagues, elles ont intérêt à être vraiment drôles.

© Always

 

Enfin, vous me direz, ça ne les empêche pas de se faire dévorer tranquillou par des requins. 

Mort aux protections hygiéniques

 

Et puis il y a aussi les règles en elles-mêmes. C’était un événement et bon nombre de médias l’ont partagé. En 2018, nous avons eu le droit à notre premier spot télévisé mettant en scène du sang rouge (la dinguerie) et laissant derrière simili-lessives et autre cocktails au curaçao. À ça on ajoute l’insistance systématique sur une discrétion totale des serviettes hygiéniques et la neutralisation des odeurs. Car on le sait bien, odeur de sang + parfum fresh = cocktail qui fait plaisir.

@Elonë

 

En gros, on a subi pendant des années une superposition d’images assez irréalistes. La publicité a impacté négativement l’estime de soi des personnes réglé·es pendant des décennies. Pas en expliquant leurs défauts mais en exposant des modèles adaptés au male gaze et à l’image des règles que s’en font les hommes cis. C’est encore plus pernicieux. Nous aussi quand on sent une odeur légèrement désagréable ou quand on a l’impression d’avoir une serviette qui se voit on se sent nulles. Mais en réalité, c’est juste qu’on nous a appris que c'était pas joli-joli à voir.

Laissez-nous tranquilles

 

En essayant de comprendre l’origine de certaines insécurités sur nos corps, on peut réussir à trouver ce point de départ et commencer à accepter qu'en fait, c’est OK. On a rien fait de mal et on est plutôt parfait·e·s (oui, rien que ça). Et ça, les marques (et responsables marketing) l’ont compris et tentent de le changer. Preuve en est, l’émergence de nouvelles campagnes qui font des bonds de géant en termes d’inclusivité et de messages d’empouvoirement.

© Moodz / Lou Escobar

 

Attention, nous ne sommes pas train d’affirmer que tout va beaucoup mieux dans le meilleur des mondes et qu’il n’y a plus à se préoccuper. Juste que, petit à petit, les choses avancent et pour pouvoir aider à les changer il faut aussi les comprendre. En fait, déjà que 5 jours par mois on se tape des crampes de folie et des envolées d’hormones (quand c’est pas directement un trouble beaucoup plus grave), ce serait gentil de nous laisser tranquilles quelques minutes.