
Et si on arrêtait avec l’injonction « d’apprendre à être heureuse seule » ?
Happy to be more than me
“Si tu as été en couple toute ta vie, tu ne sais pas vraiment qui tu es”, “Il faut apprendre à être heureux·se seule pour être heureux·se en couple”, “Comment ça t’aimes pas les road trip en solo ??”. Attendez une minute là, ça c’est sensé nous soulager de la “pression” d’être en couple ? Hahahaha. Ok. Parlons ici du fait qu’une pression ne vaut pas mieux qu’une autre would we ?
Oui au self love...
Petit rappel : le self-love - aka l’acte d’accepter, d’aimer qui on est, et de prendre soin de soi - peut prendre plusieurs formes, d’un masque hydratant pour le visage à une thérapie longue, en passant par des cours de broderie ou une démission d’un taff toxique. Ce qui compte, c’est de nourrir son âme de ce qui nous fait personnellement du bien. Et si se faire du bien, prendre soin de soi et se donner de l’amour consiste en partie à s’investir dans une relation de couple saine, pourquoi couple et self-love seraient alors antinomiques ?
Longtemps en couple, entre ses relations Alex a souvent entendu ses potes lui répéter “Profite un peu d’être célibataire, apprends à te connaître, tu n’es pas autonome quand tu es en couple”. Mais pour elle : “Ce n'est pas parce qu'on a vécu de longues histoires d'amour et que l'on aime être en couple qu'on ne se connait pas ou qu'on ne peut pas être heureux seul, bien au contraire. Je suis partie de chez mes parents à 16 ans, bien plus tôt que la plupart des gens, je sais ce que c'est que d'être seule et de ne pouvoir se reposer que sur soi-même pour certaines choses. Ce n'est pas parce que j'étais en couple que mon bonheur ne dépendait pas de moi.”
Au contraire, décider d’être en couple peut aussi témoigner d’un choix de bonheur qui nous est propre. Pourquoi être heureuse seule serait plus noble que l’être en couple ?
En ce qui concerne le fait d’apprendre à se connaître seul·e pour savoir ce qui nous rend heureux·se, Alex considère que “vivre à deux ou à plus, que ce soit en couple ou en colocation c'est apprendre l'empathie, le recul, la gestion de crise et finalement, en apprendre bien plus sur soi et sur ce qu'on veut ou ce qu'on ne veut pas qu'en vivant seule. Les gens qui ont été en couple le savent bien : le seul moment où être seule peut te permettre d'apprendre ou de réapprendre à être heureuse c'est en sortant d'une relation toxique”.
...non aux injonctions faussement féministes
À la base, ce “conseil” prend racine dans des réflexions féministes bienveillantes, notamment liées à deux problématiques sexistes : le fait que la réussite des femmes dépende intrinsèquement de leur situation maritale (et non professionnelle) #DisneyPrincess ; et le modèle patriarcal des couples hétérosexuels qui impose aux femmes de se plier aux normes de genre en mettant de côté leurs propres désirs. L’idée avec le “apprend à être heureuse seule”, c’était donc de pousser les femmes à trouver leur bonheur en dehors des cases étroites et discriminantes du patriarcat. Chacune devait pouvoir être libre de choisir sa vie, sa réussite et ses sources de bonheur.
Le problème, c’est que cet appel à se défaire des injonctions est devenu lui-même une injonction. Et avec, les femmes supportent maintenant un nouveau poids : celui de la culpabilité si elles décident de rester en couple alors qu’elles n’y sont pas très heureuses (tout le monde sait qu’il vaut mieux être seule que mal accompagnée Mylène, tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même). Sans parler du poids de l’échec quand on ne parvient pas à être heureuse célibataire… #BadFeminist (poke Roxane Gay).
Le but du féminisme, c’est que toutes les femmes puissent s’épanouir selon leurs propres critères, dans une société équitable pour tous les genres. Et pour continuer de citer Alex : “La relation saine est un putain de lieu d'épanouissement. Le meilleur pour moi”. Qui pour lui dire que ce n’est pas son droit ?
Et le mariage dans tout ça ?
Toujours en grand débat dans les milieux féministes, le mariage reste encore pour certain·e·s une tradition archaïque empruntée aux religions monothéistes et à leurs lectures patriarcales. Mais de même que pour le couple, le but du féminisme est de transformer la société pour rendre accessibles et équitables pour les femmes, les mêmes choix auxquels les hommes ont accès. Si on transforme le couple, on peut transformer le mariage.
La loi du 17 mai 2013 sur le mariage pour tous (et toutes <3) et le fait qu’un mari puisse officiellement prendre le nom de famille de sa femme (et oui Jamy !) nous montrent que les choses peuvent changer et qu’on peut faire sortir le mariage de ses murs hétéronormés et sexistes.
Dans les premiers résultats de notre grande enquête sur les relations en 2020, vous êtes pour l’instant plus de 50% à vouloir vous marier un jour. Dans notre génération qui affronte un monde chaotique à l’avenir incertain, il y a aussi un retour aux valeurs refuges de la famille, sans que ce soit forcément réactionnaire. “Je suis hétéro, et dans mon couple, on s’est toujours dit avec mon mec que c’est moi qui le demanderait en mariage” confie Aimée.
Pierre, lui, voit le mariage différemment : “Quand on s’est mariés avec Omar, c’était surtout pour organiser une grande fête pour nos amis et nos familles, dédier une journée dans l’année à notre amour et à notre bonheur pour avoir un anniversaire à nous. C’était une grande cérémonie, un mariage civil qui faisait très officiel, mais notre couple est resté libre comme il l’était avant et ça nous va très bien comme ça”.
Chacun·e est libre de créer ses relations à son image et à l’image des personnes qui l’entourent, qu’elles soient maritales ou non. Se marier ne remet pas en question vos engagements féministes. Pareil si vous prenez le nom de famille de votre futur mari : vous ne trahissez personne tant que vous respectez vos choix et votre liberté. Et vive les marié·e·s ! Ou pas ;).