La question

 

Bonjour Anissa,

 

Comment sortir de la validation masculine? J'ai l'impression de chercher l'approbation masculine dans absolument tous mes actes. Par exemple, quand je m'habille, il y a cette dualité "s'habiller court attire les faveurs de certains hommes", s'habiller de façon plus modeste c'est "se faire respecter par d'autres hommes". Comme-ci l'image que je dois renvoyer est celle qui doit convenir uniquement aux autres. Je ne comprends pas d'où viennent ces schémas et j'aimerais beaucoup les casser. S'habiller devrait être un plaisir personnel mais ce n'est plus le cas.

 

 

La réponse

 

Chère Y,

 

Tu mets le doigt sur un phénomène symptomatique à la condition féminine dans notre société patriarcale. Depuis que je suis en age de comprendre les dualités des sexes dans notre système, j’ai constaté que l’apparence des femmes a été vouée à être validée tout au long de leur vie par les hommes. Et toujours plus fort, plus elles sont émancipées.

 

Mon ressenti est que les diktats se sont fait progressivement plus intenses voire dictatoriaux. Encore plus à l’ère du tout exposé sur les réseaux, de la comparaison et du jugement permanents, des filtres omniprésents, du besoin compulsif d'être vu.e, liké.e, à une époque où les rencontres et la séduction s’opèrent en mode “fast food”… à quel point sommes-nous soumises à des injonctions autour de nos physiques ? Pour être une femme dite "respectable", ou encore pour tenter de “valoir quelque chose”.

 

Ces carcans autour de l’habillement ou “schémas” comme tu l’évoques possèdent à mon sens une dimension hautement symbolique, qui vont de pair avec les carcans sociétaux et moraux imposés aux femmes. En prendre conscience est un premier pas pour prendre notre place dans ce monde autrement qu’avec notre apparence.

 

 

Nos choix vestimentaires sont liés à nos affects

 

Loin d’être un sujet futile, les vêtements portent la marque d’enjeux psychologiques profonds : ils parlent clairement de rapport à soi, de rapport à l’autre, de désirs, mais aussi de nos émotions. Nos vêtements sont directement liés à nos états internes et nos affects. Ce que l’on choisit de porter induit clairement des enjeux amoureux, sociaux, amicaux… de posture relationnelle,, de ce que l’on veut donner à voir de soi aux autres.

 

Et chez certaines femmes, les choix de vêtements peuvent témoigner de failles intérieures. Parfois porter des vêtements provocants ou ultra glamour au quotidien peut être une manière inconsciente de réparer leur narcissisme blessé et de chercher dans les yeux des autres la reconnaissance qu’elles n’ont pas vu chez des personnes qui ont été référentes dans leur construction. (et pas que dans l’enfance, puisque les programmations de l’inconscient évoluent tout au long de la vie).

 

Lorsqu’il y a trouble affectif, la peur de ne pas être aimé.e pour ce qu’elles sont les animent - ainsi elles peuvent avoir recours à des masques, créer des rôles ou personnages avec leurs vêtements, biaiser leurs postures dans leurs relations, ou encore se suradapter dans leurs différentes sphères de vie. Dans d’autres cas plus extrêmes, ce comportement peut cacher une souffrance profonde, avec parfois des épisodes dépressifs. Ces personnes fonctionnent à travers leurs angoisses de perte, d'abandon.

 

En sus des injonctions sociales bien ancrées, la recherche de validation masculine peut témoigner d'un manque à combler, de failles narcissiques, de fragilités dans sa construction, dans sa sécurité intérieure, dans son estime de soi… en somme des failles que l’on comble à travers le regard et l'approbation du sexe opposé. Il y a des causes concrètes à ce comportement, pêle-mêle :

 

☼ un manque de connaissance de soi

☼ une dépendance émotionnelle, dépendance aux autres

☼ un manque de direction, d’accomplissement

☼ un manque de mise en avant, de considération et de validation d’un parent

☼ un rejet parental, un abandon

☼ une surprotection pendant l’enfance

☼ la peur d’être seule

☼ avoir subi un traumatisme

☼ avoir vécu des variations de poids assez importantes dans sa vie et/ou entretenir un rapport parfois conflictuel au corps

 

 

Les hommes en question

 

Certaines femmes développent des croyances limitantes à différents moments de leur parcours de vie, telles que : “s’’il m’aime c’est que je mérite d’exister”, “ je n’ai pas de valeur”, “je ne suis pas digne d’être aimée”, “je ne suis pas désirable”, “personne ne voudra de moi”... bien souvent en réaction à des relations foireuses, toxiques, des rapports de domination, ou encore en réponse à des contextes de trahison, de non réciprocité, de rejet ou d’abandon.

 

Dans ton vécu, saurais-tu identifier ces hommes dont tu as manqué de quelque chose ? Ton père, un ex, un mec, un crush que tu as aimé (avec qui tu t’es senti toujours un peu… « pas assez bien » par exemple, ou qui t’as ignorée, ghostée), un boss qui a peut-être été un peu rude avec toi et a malmené ta confiance en toi, un professeur, un membre de ta famille, un ami...

 

Je vais probablement casser une croyance collective, mais le père n’est pas forcément à l’origine de toutes les failles narcissiques dans nos rapports aux hommes dans nos vies d’adulte (#daddyissues). Incontestablement, nos blessures se créent aussi au fil de nos rencontres et à différentes étapes de notre construction. Repasser ton histoire de vie et tes relations aux hommes pourrait faire resurgir quelques éléments utiles qui sait ?

 

Question bonus : est-ce que le besoin de reconnaissance / validation des hommes est une solution corrective, réactive, pour compenser un manque spécifique ? (As-tu besoin de reconnaissance au travail ? En amitié ? Dans ta famille ?)

 

 

S’affranchir du besoin de validation

 

Bien que le besoin de reconnaissance et de validation soient des sentiments naturels, tout l’enjeu serait de veiller à ce qu’ils ne tournent pas en dépendance, en obsession et qu'ils ne conditionnent pas tes choix et comportements.

 

Aussi, je dirai qu’une des clés réside dans la (re)construction et/ou la consolidation d’une relation stable et aimante avec toi-même. Conscientiser tes forces, tes atouts, ta valeur dans un premier temps. Devenir ta meilleure alliée, te valoriser et t’accomplir, pour équilibrer à terme “validation externe” et“validation interne”. Cela peut commencer par :

 

1/ être un bon parent pour toi-même : en engageant un travail sur ton dialogue interne, aka la manière dont tu te parles à toi-même. En pratiquant l’auto-compassion et en employant un langage plus doux, encourageant et indulgent au quotidien. Comme le ferait un parent aimant envers son jeune enfant qui apprend, expérimente et progresse.

 

2/ te valoriser, t’auto-liker IRL et te gratifier : tu pourrais le faire au quotidien dans différents contextes, quand tu te sens belle et bien dans un vêtement par exemple. Devant ton miroir avec régularité, conscientiser et te dire “je suis jolie”, ”je le porte bien”, “ je suis fraîche”, “j’ai de jolies formes” etc... sans attendre qu’on vienne te le dire.

 

Ou encore au travail ou à l’école, lorsque tu as géré un gros dossier dans les temps, donné une fin satisfaisante à une mission, relevé un défi etc… il est important de conscientiser tes efforts et la qualité de ton travail… sans attendre qu’on te l’exprime.

 

Tu pourrais même créer des rituels d’ancrage avec toi-même : à chaque petite victoire ou fierté, t’octroyer une récompense, un petit plaisir, de manière à sceller émotionnellement et symboliquement tous ces ingrédients de ta confiance en toi.

 

3/ te renforcer & progresser en continu : sports, challenges intellectuels ou professionnels (trouver tes voies, ce qui fait vraiment sens pour toi), te fixer de nouveaux objectifs, développer de nouvelles aptitudes, développer de nouveaux traits de caractère avec l’aide d’un coach ou thérapeute…pourrait t’aider à progressivement modifier tes processus de pensées, tes postures vis à vis des autres et renforcer ton assurance personnelle.

 

4/ faire le point sur tes relations : poser des questions qui fâchent, apprendre à dire non, à t’affirmer, poser tes limites, oser te faire passer avant, exprimer tes besoins…ou encore faire du tri dans l’entourage peut parfois nous éloigner de personnes qui nous communiquent leurs peurs, leurs projections, leurs penchants pour le jugement et la critique, ou encore leurs pensées limitantes.

 

5/ opter pour des looks qui te correspondent vraiment : une bonne accompagnante type coach en image peut t’aider à travailler sur ta personnalité, tes postures et apprendre à mieux t’écouter. Tu y trouveras aussi des looks qui te feront te sentir en confiance, en alignement avec ton identité, tes sensibilités, ton style, ton visage, ta coiffure… et qui te feront avant tout plaisir à toi.

 

S’affranchir de la validation extérieure et devenir pleinement consciente de son véritable “soi” authentique peut être un véritable parcours de confrontation à soi-même, voire de grosse mise à jour logicielle.