Reposons les bases

 

Le pilier du fémonationalisme, c’est la “surqualification sexiste” - terme de Kaoutar Harchi- des hommes musulmans et/ou immigrés. C'est-à-dire que cette idéologie insiste sur les violences commises par des hommes racisés, les exagère ou même parfois les invente. Non seulement ça renforce des stéréotypes racistes et donc les discrimination à leur égard, mais ça permet aussi de détourner l'attention des violences commises aussi par les hommes blancs. Coïncidence ? Lol.

 

Les fémonationalistes clament que les hommes issus de l’immigration sont les principaux responsables des violences faites aux femmes françaises, avec zéro preuves ou des stat’ déformées. Vu cette passion pour les chiffres, on est allées en chercher aussi pour la France : 94 000 viols ou tentatives sur des femmes chaque année, 1 femme sur 2 vicitime de violences sexuelles dans sa vie, 147 féminicides en 2022. Et dans 91% des cas de viols ou d’agression sexuelles, le coupable est une personne connue de la victime. Son mec ou son ex 47% des fois, sinon son patron, son pote etc. Ces chiffres nous disent donc que n’importe quel homme en contact avec des femmes peut être concerné.

 

Donc en plus de venir emmerder spécifiquement les personnes racisées, le fémonationalisme empire la vie de toutes les femmes. Parce qu’il détourne l’attention des violences patriarcales et propose des fausses solutions, genre une réponse policière intensive. Alors que la police maltraite souvent les femmes victimes de violences, comme le montrent les milliers de témoignages du hashtag Double Peine, et qu’en 2020, 1 victime de féminicide sur 5 avait déjà porté plainte. Quand on fait les comptes, ça protège plus les agresseurs que les victimes.

Des collectifs d'extrême droite aux gouvernements

 

Sous sa forme la plus caricaturale, le fémonationalisme est incarné par des groupuscules de femmes d'extrême droite, style Nemesis. Leur crédo : mener des actions pour tenter de valider leur thèse aussi solide qu’un flan laissé au soleil. On a eu le plaisir de les croiser pendant leur infiltration -oui oui- de la marche Nous Toutes du 19 novembre. Elles s’étaient déguisées en “féministes islamistes” pour se prendre en photo en pleine manif… et ainsi prouver "l'islamo gauchisme" de l’event #WTF.

 

D’autres collectifs dans la même vibe existent, mais Nemesis reste le plus médiatisé (elles sont souvent sur TMTP). Selon une enquête de la militante Léane Alestra, le groupe est constitué de jeunes femmes bourgeoises, formées par des organisations d'extrême droite et soutenant Marine Le Pen ou Eric Zemmour. Evidemment, elles ne se prononcent pas sur l’avortement, et leur porte parole aime se faire photographier avec des armes automatiques. Yep, on frôle la parodie.

 

Mais les idées fémonationalistes ne sont pas présentes que dans des petits groupes extrémistes : elles pleuvent dans les discours politiques et dans les lois, notamment celles soutenues par la majorité présidentielle. Genre quand Marlène Schiappa se félicitait en 2020 d’avoir obtenu le droit d’expulser les personnes étrangères coupables d’agression sexuelles. Comme si cette mesure au double standard flagrant allait éradiquer les violences en France, ce que des féministes n’ont pas manqué de dégommer.

 

Avec la banalisation des idées de l'extrême droite et sa montée en puissance (le RN est passé de 8 à 89 sièges à l’Assemblée en 2022 SOS), l’instrumentalisation du féminisme à des fins racistes et anti migratoires se retrouve à droite -beaucoup- comme à gauche, et dans des discours dits “universalistes”. D’où ce débrief : les discours fémonationalistes ne se réclament pas tout le temps comme tels, donc c’est utile de capter d’où ils viennent et comment les repérer.

 

 

Ça n'arrange rien

 

Vous voyez le tableau : le bail est tout sauf féministe, il est raciste et même antiféministe. Notamment dans sa façon de considérer les femmes racisées et surtout musulmanes, en pensant qu’elles sont fondamentalement incapables de prendre des décisions pour elles-mêmes. Genre en leur faisant la leçon sur le port du voile sans les laisser parler sur le sujet. Ça date pas d’hier : Léane Alestra rappelle que des femmes françaises forçaient les algériennes à se dévoiler pendant la colonisation sous prétexte de les aider à s’émanciper #cherchezlerreur.

 



Le fémonationalisme est aussi à côté de la plaque face aux réalités du terrain. Louz le démontre avec l’exemple des certificats de virginité, interdits par la loi “Séparatisme” en 2021. Obviously, contrôler la virginité d’une femme, c’est turbo misogyne. Mais si on interdit la délivrance de ce certif’ au nom de la lutte contre le communautarisme, des jeunes femmes qui en ont un besoin express seront peut-être directement en danger. Louz cite une militante du Planning Familial, qui explique que l’organisme délivrait ces certificats sans rien vérifier, afin d’établir un premier niveau de sécurité pour les jeunes filles sous pression. Interdire ça mais ajouter zéro thune publique pour que des assos aident les jeunes femmes en danger immédiat, ça ne protège personne.

 

Le patriarcat règne sur nos sociétés depuis des millénaires, donc on ne va pas nous faire croire que l’immigration contemporaine nous l’a amené. En plus de faire preuve d’un racisme crasse, le fémonationalisme ignore activement les statistiques sur les violences sexistes et crache ainsi sur les milliers, les millions, de femmes victimes. Le danger, il est là.

 

 

Pour aller plus loin : on vous conseille les textes limpides de Kaoutar Harchi, Léane Alestra et le chapitre écrit par Louz dans le super livre Me Too au-delà du hashtag.

 


Claire Roussel