En France, deux personnes tiennent le monopole de cette branche du développement personnel : le businessman installé à Miami, Alexandre Cormont, et la Varoise “amoureuse des femmes”, Samantha Porpiglia. Le premier s’est construit une image de mâle alpha accessible, heureux en ménage, qui pousse à la salle et s’occupe de sa chienne (l’animal). La seconde joue sur son statut de femme accomplie, mariée depuis 20 ans et mère de trois enfants.

 

Iels suivent un modèle de coaching anglo-saxon représenté, notamment, par le Newyorkais Matthew Hussey. En plus des vidéos, iels sont hyperactifs sur les réseaux, diffusent des podcasts, vendent des séances de coaching personnalisé (par mail et appel), des séminaires et autres webinaires. Et tout comme Hussey, iels publient des livres consacrés à la très complexe psyché masculine.

 

 

Être en couple quoiqu’il en coûte

 

Il faut admettre que beaucoup de femmes hétérosexuelles sont en galère. Que ce soit sur les applis de rencontre, en soirée ou au travail, une grande partie d’entre elles se sentent coincées dans un même schéma. Au bout de trois mois, leur partenaire trouve des excuses, les ignore et se casse. Or, plutôt que d’éduquer les hommes ou remettre en question les logiques patriarcales au sein du couple hétéro, ces coaches amoureux renforcent les rôles genrés. Dans leur monde, les femmes doivent tout mettre en œuvre pour challenger des mecs orgueilleux accros à leur ego. Dans leur monde, les queer n’existent pas ou alors ne sont jamais malheureux·ses en amour.

En réalité, leur discours dit tout et son contraire. Pour plaire à un homme, il faudrait l’écouter sans lui donner trop d’attention. Être présente sans jamais l’étouffer. Être indépendante et ambitieuse tout en lui cédant le contrôle dans la relation. Jamais négative, jamais en colère, toujours bienveillante. Eux, n’ont rien à faire pour plaire aux femmes puisqu’ils sont trop têtus, incompréhensibles et bornés.

 

 

Quand le marketing s’applique aux sentiments

 

En matière d’argumentaire, ces gourous de l’amour adoptent deux postures. D’un côté, iels font preuve d’autorité et distillent lentement leur sagesse pour faire monter la sauce, fidéliser l’audience et remplir leur compte en banque. De l’autre, iels s’identifient à leur communauté et leur font croire, du haut de leur tour d’ivoire, qu’iels ont connu les mêmes galères. Au vu des prix, la recette semble fonctionner. Si Porpiglia affiche difficilement le coût de ses séances privées, l’agence de Cormont est une vraie marketplace : 299 € le coaching en quatre mails, 177 € les 45 minutes express, 297 € la séance en urgence.

 

Aussi, c’est sans hésitation que Samantha Porpiglia se réapproprie une certaine vision du féminisme. Sur son onglet de présentation, on peut lire la fameuse citation de Simone de Beauvoir « On ne naît pas femme, on le devient ». Ainsi, elle désosse le Deuxième Sexe pour mieux vendre à ses clientes un modèle de “femme optimale, irrésistible”.

Plus moralisatrice que Cormont, la coach en amour “au féminin” propose à ses adeptes d’accéder à leur “vraie dimension” en renouant avec leur “intelligence émotionnelle” visiblement ancrée dans leur utérus. Par ce biais pseudo-spirituel, elle gronde celles qui oseraient tout miser sur le physique et le sexe. Alexandre Cormont, quant à lui, va inciter ses auditrices à jouer de leur sexualité sans pour autant la concéder trop vite. Le but étant de provoquer le prédateur sans se faire mordre.

 

Entre slut-shaming et culture du viol, ces coaches infantilisent les femmes. Pourtant, celles-ci font preuve d’une grande gratitude à leur égard. Les commentaires et les retours d’expérience sont majoritairement positifs. Certaines ont récupéré leur ex, d’autres parviennent enfin à se caser, à discuter sainement avec leur conjoint. Ce serait donc méprisant de dire qu’elles sont bêtes ou égarées. Elles ont simplement réussi à rentrer dans un moule en jouant selon des règles qui les désavantageront toujours. Dès lors, le couple devient une entreprise, et l’amour, un travail non rémunéré qu’elles seront seules à prendre en charge.


Marthe Chalard-Malgorn