Y'a rien qui va

 

Fin mai à Toulouse, le trottoir devant le nouveau pop-up SHEIN est blindé de client·es. Pas étonnant que ses fringues marchent autant et qu’on se bouscule devant ses boutiques : elle maintient un rythme de drop ultra speed, ponctué de micro tendances, pour rendre les consommateur·ices le plus addict possible. Chaque jour, des dizaines de milliers de nouveaux designs sont proposés sur ses plateformes.

 

Sauf que : ce rythme est possible notamment parce que SHEIN plagie h24 les créations des petites marques, qui protestent tant bien que mal sur les réseaux comme MaisonCléo ou Bailey Prado. Et évidemment, son impact écologique est catastrodramatique. La marque vend tellement de produits qu’elle est littéralement responsable de 22% de l’impact carbone des jeunes adolescentes (stat’ qui est d’ailleurs instrumentalisée à des fins sexistes).

 

Votre mâchoire se rapproche dangereusement de vos genoux ? Accrochez vous-y parce que c’est pas fini : la marque propose des pièces à partir de 2,70€. Difficile d’imaginer que la personne qui les a cousues soit payée décemment.

 

Ajoutons que SHEIN est une entreprise implantée en Chine, dont le gouvernement perpétue le génocide de la population Ouïghoure, qui est enfermée dans des camps et y produit notamment des vêtements de fast et ultra fast fashion. Mais ces scandales n’empêchent pas la marque de continuer ses apparitions in real life : elle prévoit de nouveaux pop-ups aux Halles à Paris du 23 juin au 10 juillet et fin juin à Montpellier.
 

Photo prise à Toulouse par Chloé Denois


Classisme, sexisme et grossophobie

 

Ce bilan très flippant n’arrête pas les centaines de personnes amassées devant ses boutiques éphémères. Ce qui provoque une certaine véhémence : des ados affirment avoir été insultées par des activistes lors de l’ouverture toulousaine, et de nombreux médias engagés se scandalisent du nombre de consommateurices.
 

Si le stress est compréhensible face à la crise écologique, des relents de sexisme et de classisme se font souvent sentir dans des commentaires et ne font pas avancer le schmilblick. Car on oublie que pour de nombreuses personnes, SHEIN est une “solution”. Notamment si on fait plus qu’un 42 : quasiment impossible de s’habiller éthique et de trouver des styles diversifiés, donc pas étonnant que les gens se tournent vers une marque qui pense à eux (on vous glisse au passage des marques durables et inclusives : Everlane, Make My Lemonade, Chez Nous, Ester Manas…)
 

C’est aussi une solution pour les personnes méga précaires, parce que si la seconde main et les fripes permettent de trouver des fringues aussi peu chères que la fast fashion, elles ne sont pas présentes partout.
 

En revanche, il y a des gens qui peuvent très bien se passer de SHEIN - si vous mettez 200 euros par mois dans de la fast fashion, vous avez largement les moyens de consommer éthique - et des activistes comme Aja Barber pointent que si elle aide à surmonter le classisme en Europe, l’accessibilité à une mode pas chère reste moins importante que la survie des travailleur·euses exploité·es dans les usines asiatiques ou africaines.
 

La tension devant les pop-up français démontre aussi un shaming très marqué des ados, notamment filles, qui shoppent de la fast fashion, sans forcément questionner les vraies causes de leur addiction : les injonctions à la consommation plus lourdes que jamais via les réseaux sociaux, gérés par des entreprises bien conscientes de leur impact.
 


Un équilibre complexe

 

Of course, le mieux reste de boycotter les pop up de SHEIN - et toute la fast fashion - si on peut. Mais c’est cool de prendre en compte les différences de privilèges pour ne pas enfoncer les gens légitimement en galère et se concentrer sur les vrais responsables, tout en continuant à informer les consommateur·ices de leurs options. Peut-être que si on adopte massivement cette approche, les events de SHEIN ne seront plus si remplis.
 

Et si vous aviez surtout envie de faire du shopping éthique sans vous prendre la tête, on a des supers tips pour maîtriser le chinage en friperie et une sélection de marques durables qui fait kiffer.

 


Claire Roussel