Vraie question : pourquoi on ghoste ?
Disparu·e sans laisser de trace
Dans la famille des grands maux relationnels et communicationnels du siècle, on demande : le ghosting. Cousin germain supposé de la phobie de l’engagement et du bien connu y a plus de respect, bienvenue dans les chaises musicales des relations humaines où votre crush a vite fait de se transformer en répondeur. Mais enfin, soyons honnêtes : que celle qui n’a jamais laissé un message non-lu pendant deux semaines nous jette la première pierre. Non ?
Relations fantôme
Quand on tape le vilain mot ghosting dans la barre de recherches Google, on trouve pêle-mêle : des témoignages de ghosteur·euses et de personnes ghosté•es, des conseils bidons pour interpréter le fait “qu’il préfère ne pas vous répondre au téléphone”, des forums remplis à ras-bord de témoignages pas jojos type : on kiffait ensemble et puis, boum, plus personne.
Bref : c’est carrément flippant. Alors le ghosting, qu’est-ce que c’est ?
Le terme est né dans les années 2000 et désigne le fait de rompre une relation en interrompant toute communication et toute forme de contact - le tout, sans donner aucune explication à son/sa relation/partenaire. En français, on pourrait traduire ça par “fantômer”(™). Mi-absence-mi-monstre, le/la ghosteur·euse se caractérise par son effrayante disparition, doublée d’un silence bien glauque.
La vie en vitrine
La faute à nos vies à smartphones ? Un peu, quand même. Car ce qui est sûr, c’est que le fait d’avoir dans nos poches et sous nos oreillers une ligne de communication ouverte en permanence a affecté nos relations et la manière dont nous nous rendons disponibles aux autres.
Comprenez, en gros : que vous soyez en train de faire les vendanges ou de parcourir la Cordillère des Andes, vous êtes joignable. “Actif·ve” avec une petite icône verte, façon Facebook. On peut vous appeler, vous écrire, vous envoyer un mail, un MP, ou vous laisser un message sur votre répondeur.
Revers de cette “hyper-disponibilité” ? Des comportements de type “fuites en avant” qui peuvent (vous) pousser à ghoster vos “responsabilités affectives” comme vous pourriez ghoster le courrier des impôts (mauvaise idée) ou le solde (négatif) de votre compte bancaire (bis).
Est-ce que tu m’entends eh oh ?
Il n'existe pas d'étude “chiffrée” de la pratique du ghosting selon le genre, mais le mood global semble s’accorder sur le fait que les hommes (hétéros) soient plus enclins à s’adonner à la fatidique activité fantomatique. Vrai ou pas, ce qui est sûr, c’est que dans la prolongation de comportements relationnels type mi-névrotiques-dominants mi-balek, et au plein milieu du boom des relations multipliées et multipliables, le ghosting est devenue une attitude si répandue que l’absence de message devient LE message en lui-même.
Sous-titre : on ne va pas se fouler à donner d’explication, puisque l’absence d’explication en est une. D’ailleurs, si vous êtes ghosté·e, vous ne savez pas pourquoi, ni comment mais vous savez que c’est fini.
Pourtant, traiter ses relations et partenaires avec respect implique qu’il y ait de la place pour les émotions de chacun·e. L’idéal étant que les choses puissent être dites clairement pour que tout le monde puisse avancer, faire le deuil de la relation et/ou (par exemple) se remettre en question, si nécessaire.
Tous les cris les SOS
Mais pour être honnêtes, on avait l’impression au-delà de ça que la pratique concernait beaucoup d’entre nous. Qu’un·e ghosteur·euse pouvait vite finir ghosté·e, qu’on pouvait aussi ghoster sa psy, sa pote de primaire, ou un boulot à la con qu’on aurait accepté un jour de faiblesse.
Alors on a demandé à des personnes autour de nous ce qu’ils·elles pensaient de cette pratique et voilà ce qu’on a appris :
“On emploie le mot ghosting à tort et à travers”. Il y a des “cas de ghosting” où la relation est à un stade avancé et qui sont très douloureux. Ghoster un type qu’on a rencontré en soirée et qui se prend pour le roi du pétrole, c’est clairement différent.
Dans ce contexte, “ce qui pourrait être considéré comme du ghosting par certains est carrément une nécessité”. Parce que pas envie de s’engager dans une conversation avec un potentiel émetteur de dick-picks (#harcèlement), ou dans un boulot sous-payé pour lequel on aurait eu un simple entretien téléphonique.
En fait, en général, les femmes autour de nous qui ont ghosté des ami·es ou partenaires ont “le sentiment d’avoir eu des difficultés à affronter une situation donnée”. Trop d’émotions, de non-dits, de bordel karmique : bref, les mots nous manquent, et on fuit, littéralement.
Le souci, c’est que le cercle vicieux qui s’ensuit nous entraîne dans des mécaniques de culpabilité #plaiesouvertes. Tout le monde est unanime : pas cool de croiser l’ancien·ne pote ou l’ex au Franprix après un glacial silence de 6 mois.
Bref, même si ça n’est qu’un idéal vers lequel on peut tendre, ce serait bien (oh si bien), que les relations soient suffisamment bienveillantes et ouvertes pour que, quelque soit le stade d’investissement mutuel des partenaires, on puisse se dire franchement pourquoi on aurait envie ou pas de continuer à faire route ensemble.
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