Si on projette aujourd’hui dans l’expression “Qui aime bien, châtie bien” des chamailleries supposées démontrer une affection, à la base ce dicton était plutôt un précepte destiné à l’éducation des enfants. Tiré du latin, on aurait pu le traduire plus précisément par « Qui aime son enfant, le punit comme il faut ». Même si c’est difficile parce qu’on n’a pas envie de ce genre de moment avec des êtres qu’on aime, d’après ce dicton les bons parents devraient être capables de “punir” leur enfant si celui ou celle-ci faisait une bêtise pour lui apprendre à bien se comporter. Quel rapport avec le fait d’embêter quelqu’un pour lui dire qu’on le ou la kiffe ? Aucun, à part l’évolution de la compréhension de la langue et de ses phrases toutes faites.

 

Parce que ce n’est pas autre chose que ça maintenant : une phrase toute faite. Et il n’y a rien de pire que de faire d’une phrase toute faite un argument. Si une personne s'asseyait à votre place au resto à base de « Qui va à la chasse perd sa place ». Vous répondez « Ah ben ouais il a raison, normal, je vais manger ailleurs, c’est pas grave », ou vous faites bouger fissa ce malotru ? De la même manière, pourquoi on accepterait que quelqu’un se moque de nous, nous traite mal, avec pour seul argument une phrase bateau qu’on a, en plus, complètement détournée de son sens ?

Surtout que faire passer des comportements impolis, blessants, voire toxiques, pour des preuves d’amour, ça sent très mauvais… Depuis tout·e petit·e, on nous apprend qu’un garçon qui tire les cheveux d’une fille, c’est parce qu’il l’aime bien. Que Helga, qui traite ultra méchamment Arnold dans le dessin animé Hé Arnold, est en fait folle de lui. Qu’un mec méga jaloux avec sa copine prouve ainsi qu’il est vraiment amoureux. Qu’un patron qui vanne en permanence une employée laisse penser que c’est sa “chouchoute”.

 

Alors que tous ces comportements sont des faits de violence physique et psychologique, de harcèlement, et méga toxiques en général. Si un petit garçon violente une petite fille pour lui dire qu’il l’aime, un cocard une fois adulte c’est pour dire épouse-moi ? Un féminicide c’est parce qu’on aime trop ? Tiens tiens le “crime passionnel”.

 

On retrouve le même principe dans la sexualité : on nous fait croire depuis toujours que le sexe vanille (doux, romantique, qui prend son temps à base de caresses et de missionnaire des familles) est ennuyeux, voire signe d’un manque d’implication dans la relation ; quand le sexe plus brutal (se faire déshabiller en 5 secondes 2 “tellement qu’on a envie de nous” pour se faire prendre en levrette les cheveux tirés en arrière et la fessée prête à dégainer) est définit comme fort, intense, passionné, et est donc valorisé. Qui aime fort prend fort, en somme.

Si c’est ce que vous aimez, si ces gestes sont consentis, tant mieux, enjoy, mais si vous pensez qu’il faut absolument passer par là pour faire du bon sexe en vous privant d’explorer des moments plus doux, on passe de passion à pression.

 

Un dicton ne devrait jamais valider un comportement agressif ou même simplement gênant, encore moins quand il préconise la violence. C’est. Juste. Un. Dicton. Pas un argument, pas une explication, pas une validation, pas un précepte à croire et suivre sans réserve.

 

Et puis à la base quand même, quand on aime quelqu’un, on en prend soin, on ne se moque pas, on ne l'embarrasse pas, on ne la bouscule pas, on ne la vexe pas “parce que c’est drôle”, on ne la violente pas en rétorquant que c’est de l’amour. On la traite avec respect et bienveillance, même dans son humour et surtout dans les relations intimes.

 

« Qui aime bien, chérit bien »

En fait.

Point.