« Le saviez-vous ? Au Danemark, la pose de DIU (ou stérilet) est faite sous anesthésie locale + décontractants + anti-douleurs. En France, on te dit de prendre un doliprane une heure avant », affirmait en février dernier le compte Twitter @CaptainDarkRose. En lien, une vidéo TikTok d’une internaute expliquant à quel point il est difficile de trouver des informations sur la douleur de la pose de dispositif intra-utérin (DIU), ou stérilet.

 

« Quand je me suis fait poser un DIU, on m’a dit que j’allais ressentir un petit picotement. Mais quand j’ai ressenti ce « picotement », je suis devenue blanche comme un linge et j’ai failli m’évanouir. […] Personne ne nous prévient. […] Ça a été la douleur la plus intense de toute ma vie, j’ai été alitée pendant une semaine. […]. Je suis persuadée que si ce type d’opération était fait sur les hommes, ils pourraient bénéficier d’une anesthésie sans problème. C’est absurde qu’on soit censées endurer un tel niveau de douleur. »

 

 

« C'est comme si on te brûlait de l'intérieur »

 

Ce message, retweeté et liké des milliers de fois, a encouragé de nombreuses internautes à partager leur expérience traumatisante de la pose de stérilet. Morceaux choisis :

 

« Mon (ex-)gynéco l'a posé sans me dire de prendre quoi que ce soit avant, m'a répété pendant tout le truc que "ça faisait pas vraiment mal c'était dans ma tête" puis m'a félicitée de pas m'être évanouie. », « Contente de voir que je ne suis pas la seule à avoir cru mourir quand on me l'a posé. J'ai eu trois jours de contractions ensuite. Mon accouchement était trop cool à côté ! », « J’ai eu tellement mal à la pose du mien que j'étais en sueur et que j'ai failli tomber dans les pommes. C'est comme si on te brûlait de l'intérieur sérieux j'ai jamais eu aussi mal. »

Pour un praticien, le minimum à faire avant de poser un DIU est de prescrire une association de Doliprane, de Spasfon et d’Ibuprofene à prendre à l’avance, explique Laura Berlingo, gynécologue obstétricienne et autrice de l'essai Une sexualité à soi, paru aux Arènes. « La plupart du temps, ça suffit », note-t-elle. Mais pas toujours, et c’est bien le problème. « Après une pose, je dis à la patiente de revenir me voir une demi-heure plus tard si elle a encore mal afin que je lui prescrive quelque chose de plus fort », précise la gynéco.

 

Impossible de prédire quelle patiente aura mal et laquelle ne sentira rien. L’anesthésie locale – comme l’évoque l’autrice de la vidéo citée plus haut – n’est donc pas forcément une solution, estime Laura Berlingo. « C’est ce qu’on fait pour les IVG par aspiration : une injection de xylocaïne au niveau du col. Toutefois, lors d’une IVG, la canule est 10 à 20 fois plus large qu’un stérilet selon le terme de la grossesse. Pour les femmes chez qui la pose de DIU ne ferait rien du tout, est-ce que ça vaut le coup de pratiquer une anesthésie locale, douloureuse ? Et pour celles à qui le passage du DIU va faire mal, est-ce que ça sera moins douloureux de faire une anesthésie locale ? »

 

 

« La culture gynécologique est inscrite dans une lignée patriarcale et paternaliste »

 

Le vrai problème pour Laura Berlingo, c’est plutôt la réticence de certains médecins français à prescrire des antalgiques pour les douleurs utérines. « Franchement, il faut se remettre en question. Certains médecins ont peur de prescrire ces médicaments parce qu’ils sont forts. Mais enfin, quand on se casse une jambe, ils n'hésitent pas ! » Elle poursuit : « Ils ont également peur que les antalgiques cachent une complication. Pourtant, une vraie complication n'est jamais cachée par un antalgique, et cela reste rare. »

Le fond du problème ne serait-il pas, en fin de compte, une absence de réelle prise en compte des douleurs des femmes par le corps médical ? « La culture gynécologique française et la culture gynécologique tout court sont inscrites dans une lignée patriarcale et paternaliste, affirme Laura Berlingo. Ce n’est pas du tout dans la tradition médicale française de traiter les douleurs des femmes. On peut d’ailleurs établir un parallèle entre pose de DIU et endométriose : ce sont des douleurs utérines qui ne sont pas liées à l’accouchement. Et quand les douleurs utérines ne concernent pas l'accouchement, on considère qu’elles n'existent pas. » Pas de grossesse, pas de droit à la douleur ?

Maud Le Rest