Les déguisements d'Halloween les plus malaisants
Ma culture n'est PAS un costume
Même si nos plans pour Halloween sont en train de tomber à l'eau (puissance 1000), on profite quand même de l’occas’ pour se faire un petit point costumes-à-éviter-absolument-pour-ne-pas-tomber-dans-l'appropriation-culturelle. Real talk, on a tou·te·s déjà fait un Halloween faux pas, même les plus woke d'entre nous. Relax : on n'est pas là pour se juger (la société le fait déjà assez), mais plutôt pour s'éduquer. On est persuadées qu'il est possible de dégoter un bête de déguisement sans pour autant manquer de respect à une culture marginalisée, et que même les soirées à thème peuvent être des safe spaces. Pour réduire le potentiel malaise, on vous a listé 4 costumes à nexter pour votre prochaine soirée goûter Halloween. 2020 aura mis un gros stop à pas mal de choses, alors pourquoi pas aussi aux costumes stéréotypés ?
Appropriation vs appréciation
Commençons par poser les bases. C'est quoi déjà, l'appropriation culturelle ? En deux mots, c'est le fait pour les membres d'un groupe dominant de s'emparer d'un aspect ou d'un élément d'une culture minorisée et de l'exploiter à des fins d'amusement (hello, Halloween) ou de profit, ou les deux à la fois. Le cœur du problème, c’est l’absence de reconnaissance symbolique ou financière des personnes dont c’est la culture d'origine. L'appropriation culturelle s'inscrit directement dans l'héritage du geste colonial (#notsurprised) qui consiste à exproprier et capter les ressources matérielles et immatérielles d'un peuple considéré comme inférieur. En faisant d’un attribut culturel symboliquement fort un déguisement divertissant, on contribue à la dévalorisation d’une culture entière et des personnes qui la représentent (pas un life goal du tout).
Comment différencier l’appropriation de l’appréciation culturelle ? Pas compliqué : quand on apprécie, c’est dans le respect et la reconnaissance (la base). Si l’intention est de se moquer, de véhiculer des clichés ou d’exploiter, on est clairement dans l’appropriation ; si le but est de rendre hommage et de célébrer avec décence et bienveillance, on est dans l’appréciation. Prendre vs. comprendre. S’accaparer vs. partager. Pro tip pour ne pas tomber dans l’appropriation culturelle : se renseigner sur l’histoire du tissu/danse/plat/rituel/mode que l’on pratique, en respecter les codes, et être conscient·e du rapport de force qui se joue dans sa diffusion et sa popularité. Le combo gagnant : contextualisation, sensibilisation, redistribution des bénéficies (matériels ou symboliques).
Scalpe ton accoutrement problématique
Au-delà du fait que se déguiser en Pocahontas relève quand même un peu du degré zéro de l'originalité (#peutmieuxfaire), la coiffe à plumes et la mini-jupe à franges témoignent d’une vision caricaturale et édulcorée des populations indigènes d'Amérique. Vous trouvez pas ça un peu chelou vous, que les personnes indigènes soient quasi absentes du paysage médiatico-politique des pays dont elles sont pourtant les premières populations, mais hyper présentes dans nos esprits dès qu'il s'agit de nous déguiser ? Qu'est-ce que cette fâcheuse tendance révèle de notre objectivation de ces populations et de leur inscription systématique dans le passé, alors même qu’elles font partie du présent ? Avant de se peindre deux bandes blanches et rouges sur la joue ou sur le bras, il est peut-être temps de se demander si on a vraiment envie de contribuer à l’effacement d’une culture marginalisée juste parce qu’on a légèrement manqué d’inspi pour Halloween (nope).
Don't touch my hair
Breaking news : non, l'afro n'est pas une coiffure "rigolote", "osée" ni "explosive". Pour beaucoup de personnes, c'est JUSTE la manière dont leurs cheveux poussent naturellement sur leur tête. Pas de quoi s'affoler donc, encore moins de quoi rigoler en faisant de cette chevelure un déguisement. Les cheveux afro souffrent depuis l'ère de la colonisation de connotations négatives : jugés trop volumineux, indisciplinés, sales et désordonnés, ils font l'objet de traitements parfois extrêmement nocifs (on te voit, défrisage) pour tenter de se conformer à un idéal de beauté occidental et caucasien. Qu'on soit claires, c'est absolument ok de modifier la texture naturelle de ses cheveux ; ce qui n'est pas ok du tout, c'est de tourner en ridicule une caractéristique physique de toute une communauté sous prétexte qu’elle serait différente de la norme dominante (blanche et lisse), ce qui revient à perpétuer des stéréotypes négrophobes hérités de la période coloniale et esclavagiste. Alors on oublie la perruque afro, et on oublie aussi de mettre sa main dans les cheveux des personnes noires comme si c'était une attraction svp (thank u, next).
Dans ta (black)face
Celui-là, on se doute que vous comptiez l'éviter, vu le tollé que s'était pris Griezmann (à juste titre) en 2017. La fausse bonne idée, c’était pas d’incarner une célébrité noire-américaine (aucun problème avec ça), mais de se peindre le visage en noir, un acte qui renvoie à une pratique coloniale raciste. Historiquement, le blackface (ou "barbouillage" en français) a souvent servi à représenter les personnes noir.e.s en stéréotypant leurs traits physiologiques mais aussi psychiques ou moraux (fainéantise, bêtise, hypersexualisation). Major key alert, le barbouillage n'est pas un procédé exclusivement ni originellement états-unien, comme l'explique ici la journaliste Mélanie Wanga. Pour celleux qui en doutent encore, jetez un œil à ce qui se passe à Dunkerque tous les ans à l'occasion de la "Nuit des Noirs", à base d'os dans le nez et de cache-sexes en raphia (désolées d'avance pour votre historique Google). En 2020, on est prêt·e·s à abandonner beaucoup de choses. Le barbouillage en fait clairement partie.
From ninja to geisha...
... il n'y a qu'un pas. Le rapport entre ces deux "costumes" ? Au-delà du côté galvaudé, le fait qu'ils aient été carrément vidés de leur sens originel par la culture occidentale. Non, les ninjas ne sont pas juste des assassins en sarouel, et les geishas ne sont pas des escorts : les geishas étaient avant tout des artistes et performeuses pluridisciplinaires, et les ninjas des agents secrets qui se déguisaient en paysans pour passer inaperçus en milieu rural (véridique). Est-ce qu’on peut se poser la question deux secondes de pourquoi ces tenues sont si populaires dans nos soirées déguisées ? L’idée ici, c’est de mettre face à face notre méconnaissance de ces traditions ancestrales et notre décision apparemment collective et unanime d'en faire des déguisements. Y a quand même un léger côté exotisant et fétichisant, une tendance un peu gênante à essentialiser le folklore japonais pourtant riche et complexe.
Donc exit les kimonos, sombreros mexicains, saris indiens et autres chapeaux chinois : cette année, on mise sur un costume 100% stylé ET approprié.
En manque d'idées ?
Dans le genre connecté : 2020 étant officiellement l’année du virtuel, on est en train de penser sérieusement à se déguiser en filtre snap, en emoji ou en notre influenceur·se préféré·e.
Dans le genre flemme de ouf : on mise tout sur un make-up de folie avec vernis assorti. Engagement minimal, effet maximal.
Dans le genre déguisement groupé : cette année, on fera difficilement plus cool et engagé que le « squad », composé d’Alexandria Ocasio-Cortez, Ilhan Omar, Ayanna Pressley et Rashida Tlaib, ces quatre membres du congrès américain qui incarnent progressisme politique et sens de la sororité.
Dans le genre couche-tôt : Adèle Haenel à la cérémonie des Césars. C’est LE déguisement qui vous donne une bonne excuse pour vous barrer à n’importe quel moment de la soirée.
De rien, c’est cadeau.
Pour plus d’inspi, go sur Pinterest : ça tombe bien, la plateforme s’est engagée cette année à ne plus promouvoir d’images de costumes perpétuant des stéréotypes culturels. On valide à 300 % et on lance direct les recherches d’idées pour se pimper du masque aux pieds.