Que ce soit dans la presse, au premier rang des défilés ou sur les photos des meilleures soirées, ceux que l’on désigne comme des « cool kids » adulés pour leurs projets et leur style sont quasi systématiquement des nepo babies, c'est-à-dire des jeunes personnes bien nées. Décrits comme talentueux et précoces quand ils s’essayent à des métiers créatifs, leurs success stories impressionnent dans le débat public sans que leurs origines dorées ne soient jamais vraiment mentionnées. Mais comment s’identifier à ce genre de modèles quand on n'a jamais eu les codes ni le statut social pour être perçu.e comme cool, voire, que l’on a été harcelé.e par ces personnes-là ? La figure du cool kids est-elle, au final, plus détestable qu'autre chose ?

C’est quoi être cool ?

 

Tel créateur a été nommé à la tête d’une prestigieuse maison de couture à 22 ans, telle réalisatrice a vu son premier film sélectionné à Cannes à seulement 20 ans, tel chanteur de 18 ans est la nouvelle sensation pop du moment, telle influenceuse lance sa marque à seulement 25 ans… et ainsi de suite. La liste des nouvelles têtes arrivées à de tels succès à un si jeune âge est sans fin.

 

Ça vous complexe ? Vous avez la sensation d’être “en retard” ? Il suffit de se pencher sur les patronymes des ces nouveaux « cool kids » des industries créatives pour se rendre bien souvent compte qu’iels n’en sont pas arrivés là par hasard. Avoir des parents qui travaillent et sont déjà reconnus dans le milieu aident bien plus que d’avoir eu 18 de moyenne au bac. Pourtant, ce sont eux que l’on verra écumer les premiers rangs de défilés, les meilleures soirées et squatter les pubs de campagnes de luxe, façonnant leur statut d’icône cool.

 

Mais que signifie ce terme ? Pour la journaliste et sociologue de la mode Alice Pfeiffer : « Le cool est surtout un moment de bascule, de subversion ou d'élévation dans la perception d'une personne, d'un geste, d'une chose; c'est une transformation du regard posé dû à son changement de contexte, de médiation, de curation autour d’un objet souvent inchangé (les crocs une fois sur un catwalk). Le cool, c'est le centre de ce que l'on nomme aussi le capital sous-culturel, la valeur intangible d'un bien relié à un monde non pas luxueux mais avant-garde, alternatif, indé, l'idée d'être 'in the know', d'un secret partagé au coeur d'un milieu, d'une appartenance et d'un savoir insaisissable ». Des codes qui, par définition, ne sont pas accessibles à tout le monde.

Un mythe entretenu aussi dans la fiction

 

De Gossip Girl à Élite en passant par Lolita Malgré moi, tous ces jeunes héritiers bien nés qui mènent des vies débridées, à des âges où le reste est encore en train de se questionner sont aussi dûment relayés dans la fiction. Comme l’explique la chercheuse en représentation audiovisuelle Célia Sauvage : « Les cool kids ont longtemps été les popular kids, c’est-à-dire les sportifs et les pom-pom girls, les beaux gosses et les belles gosses du lycée, les plus apprécié.es. Ils représentent aussi les normes, rentrent dans le moule des identités dominantes, ce qui sert de prétexte pour servir un point de vue prétendument majoritaire alors qu’ils ne sont qu’une pure construction de ce que seraient les adolescents les plus désirables ».

 

Comme dans la chanson d’Echosmith, les cool kids sont ceux qui « fit in ». Mais la construction de ce mythe se fait également au détriment de ceux qui ne rentrent pas dans les codes socialement érigés du cool, qui, d’un côté, peuvent être victimes de harcèlement et dénigrement, et de l’autre, recréer des normes alternatives.

 

« Les nouveaux cool kids alternatifs restent néanmoins encore souvent hétéros, blancs, socialement privilégiés, neurotypiques et valides même si les séries télévisées, notamment sur les plateformes de streaming, ont compris l’intérêt de diversifier les personnages et donc le public-cible » constate Célia Sauvage. Que ce soit dans la fiction ou dans les portraits presses de la jeunesse dorée, le mythe des cool kids continue encore d’imposer une certaine vision de la jeunesse, bien loin de la réalité des diversités. Il est grand temps de mettre en avant d’autres narratifs autour du succès et d’autres valeurs derrière le mot cool.

Hanneli Victoire