Tradwife lesson 101


Mais alors, nous direz-vous, comment devenir l’épouse parfaite ? D’abord, il faut être hétéro et croire en la répartition genrée des rôles. L’homme (le sir) subvient aux besoins de la famille et la femme (la maid) prend soin de lui en s’occupant du foyer. Lui, doit être viril, protecteur, respectueux. Elle, doit être féminine, humble et douce. Tous deux sont unis par la foi chrétienne et par l’honneur divin de leur engagement. Ensuite, il faut tout gérer chez soi : la cuisine, le ménage, les relations familiales et maritales et l’entretien physique. Attention, on ne parle pas d’un coup de Febreze sur le plan de travail et d’une assiette de coquillettes au jambon, non, ça, c’est pour les feignasses. La tradwife parfaite a pour objectif de préparer des plats de cheffe dans un intérieur im-pec-cable. Et on ne la verra jamais traîner dans le salon avec son vieux sweat-plaid.
 

À les écouter, ce lifestyle est l’une des meilleures choses qui leur soit arrivée. Avant, elles étaient sous la mooonstrueuse pression des féministes modernes. Elles ne se retrouvaient pas dans le girlbossing et les pizzas congelées. Leur rêve, c’était de se marier, de fonder une famille et d’être une SAHW (stay at home wife) heureuse en ménage. Elles se disent souvent antiféministes, cela va de soi, pourtant elles utilisent des éléments de langage militant. Elles ont choisi ce mode de vie, elles se sentent libres et trouvent ça très empouvoirant d’économiser l’argent de leur époux pour s’offrir ce qu’elles désirent.

 

Mise en scène de la féminité

 

Les influenceuses tradwives sont en grande partie blanches. Mais leurs esthétiques varient un peu. Estee W., l’une des plus suivies, présente une féminité full années 50 et se crée un personnage de starlette hollywoodienne au sourire ultra-bright. Ashley B., plus connue sous le pseudo Herblessedhome, est un tantinet moins fun. Elle défend une féminité plutôt modeste, façon bois brut, robe en lin et chignon bas. Bek M., de son côté, semble plus moderne. C’est une « Utah mom » en jean denim et chemise boyfriend. Elle est sportive, conduit un SUV pour aller chercher les gosses et n’hésite pas à se moquer de son mec dans ses vidéos.
 


Cependant, certaines femmes racisées se reconnaissent aussi dans la mouvance tradwife. C’est le cas, par exemple, d’Hannahlee Y. dont l’esthétique cottagecore met en valeur sa vie de famille à la ferme et les magnifiques lumières qu’offre celle-ci. Jessica A., quant à elle, est la plus glamour de toutes. Ambiance fleurs coupées, sac Dior et satin rouge. Elle produit beaucoup de contenus beauté à destination des femmes noires mais elle crée aussi des courtes vidéos sur son expensive way of life de femme au foyer.
 

Un phénomène pas si étonnant

 

Qu’est-ce qui motive ce gros backlash ? Selon The Political Research, les causes sont multiples (et surtout pas nouvelles). La peur de l’effondrement climatique, du changement des valeurs morales, de la crise économique et des épidémies nourrit ce retour à l’ultra-conservatisme. Face à la rapidité et la complexité du monde, certaines jeunes femmes se sentiraient donc plus à l’aise dans ce mode de vie binaire au schéma tout tracé. Et voilà comment, en un rien de temps, on se retrouve dans le scenario de Don’t worry darling.
 

Pourtant, ces vidéos ne sont pas juste anodines, rigolotes ou ridicules. Derrière leurs conseils matrimoniaux, les tradwives et leur communauté tiennent souvent des discours racistes, homophobes et transphobes. C’est ce que dit Diane Leidig, chercheuse spécialisée dans l’analyse genrée des mouvements d’extrême droite. Pour The Impakter, elle écrit : « Ce n’est pas parce que les tradwives ne sont pas associées à des actions violentes qu’il ne faut pas les prendre au sérieux. Cela fait des années que les femmes jouent un rôle crucial dans la légitimité des mouvements d’extrême droite. Or, les tradwives sont les représentantes les plus récentes de cet héritage. » Bon, ça ne fait pas plaisir à lire. Heureusement, toutes les femmes au foyer ne sont pas des tradwives en puissance. Gros big-up, donc, à celles qui tentent de changer les choses depuis chez elles.
 

Marthe Chalard-Malgorn