Ne pas en ressentir l’envie

 

Chloé, 25 ans : « Je suis asexuelle et aromantique. J’ai eu quelques flirts au lycée mais je n’ai jamais eu de relation amoureuse ni sexuelle. Je n’en voyais pas l’intérêt et je n’en ressentais pas l’envie. Pour moi, ce serait plus une contrainte qu’autre chose. Je suis différente. Quand mes amis me parlent de leur couple, je me dis que je ne serai jamais capable de passer autant de temps avec une personne. Après, oui, ça me fait bizarre de voir tout le monde autour de moi dans une relation ou à la recherche de l’amour. Mais j’ai une vie sociale développée, j’ai créé mon entreprise… Ça me rend heureuse et je n’ai pas le temps de m’ennuyer ni de ressentir un manque. À la fac, j’allais beaucoup en soirée et je me faisais draguer. J’ai eu des occasions de passer à l’acte mais j’en avais pas envie.

Il y a différentes formes d’asexualité : certains couchent, d’autres le font pour faire plaisir à leur partenaire mais ne ressentent pas de plaisir, d’autres en ont envie de temps en temps… Moi, je n’ai aucun désir et ça ne m’intéresse pas. De la même manière, il y a différentes formes d’aromantisme. Personnellement, je n’ai jamais ressenti de sentiment amoureux. C’est comme ça depuis 25 ans et je ne vois pas pourquoi ça changerait. Ma famille me demande tout le temps si j’ai un copain. Mon frère et ma sœur leur ont présenté leur copine donc ils me demandent : « Et toi, tu nous ramènes qui ? » Bah personne, en fait. Quand ma mère parle avec ses copines, elle leur dit « Ma fille ne sort avec personne ». C’est une pression au quotidien. C’est toujours les mêmes questions intrusives qui finissent par : « Oh, tu finiras par trouver ». Mais j’en ai pas envie et je dois toujours me justifier : pourquoi je ne veux pas de copain.ine, pourquoi je ne veux pas d’enfant, pourquoi je ne veux pas me marier… Mais j’ai fini par apprendre à vivre avec. Et je suis heureuse comme ça. »

 

 

Attendre la bonne personne

 

Antoine*, 25 ans : « J’ai connu deux relations amoureuses mais la question de la sexualité ne se posait pas car on était trop jeunes. Mon histoire la plus intense s’est déroulée quand j’avais 13 ans. J’avais rencontré une fille dans un camping, pendant les vacances d’été. Elle jouait à Mario sur sa DS et je lui ai proposé de geeker avec elle. On est devenus amis puis on a fini par entamer une relation amoureuse. Notre histoire a duré deux ans et elle s’est terminée car elle ne supportait pas la distance. Depuis, je n’ai trouvé personne parce que je me suis fixé un idéal, je suis trop exigent. Je veux retrouver une relation amoureuse qui me plaise autant que celle que j’ai eue quand j’étais jeune.

J’ai eu l’occasion de coucher avec des filles, notamment durant ma période Tinder, mais ça aurait été des histoires sans lendemain et ça ne m’intéressait pas. C’est peut-être vieux jeu, mais j’apporte beaucoup d’importance aux souvenirs et à ces moments de bonheur. Et je ne veux pas regretter ma première fois. Je veux qu’elle se fasse avec « The one », avec la bonne personne. Pour moi, la sexualité implique forcément des sentiments amoureux. L’idée de la première fois ne me fait pas peur. Je vois quelqu’un en ce moment et elle est au courant de ma « situation sexuelle ». On en discute ouvertement, elle est compréhensive. Si ça devait se concrétiser entre nous, il y aurait sûrement un peu d’appréhension mais le fait de communiquer me met en confiance. Tous mes potes ne savent pas que je ne l’ai jamais fait. Je n’en parle qu’à mon cercle proche parce que je sais que certains pourraient me juger ou faire des remarques et ça me saoulerait. Mais pour moi, peu importe qu’on soit vierge à 18, 25 ou 30 ans. Il n’y a aucune honte à avoir et il ne faut pas se laisser influencer par la société. Ça ne concerne que moi et le jour où je trouverai la bonne, ça récompensera tous mes efforts et ces moments où j’ai galéré. »

 

 

Attendre le mariage

 

Zak, 25 ans : « J’ai eu deux relations amoureuses qui ont duré plusieurs mois mais il ne s’est rien passé de sexuel. La première parce qu’on était jeunes, et la deuxième était croyante donc la question ne se posait même pas, il fallait attendre le mariage. Je suis musulman et quand j’étais jeune, je considérais que coucher avant le mariage était quelque chose de très grave. En grandissant, j’ai banalisé l’acte et sa gravité mais je préférais quand même attendre. Pour une raison religieuse mais aussi pour la valeur de l’acte. Se livrer complètement à une seule personne est une vraie preuve d’amour. Dans l’Islam, comme dans les principales religions monothéistes, on ne peut pas avoir de relation avant le mariage. Mais on est en 2021 donc il n’y a plus grand-monde qui le respecte. Chacun doit faire sa propre religion et prendre ce qu’il y a de meilleur pour lui, pour être heureux !

Par exemple, je suis croyant, je fais mes prières quotidiennes, j’attends le mariage pour passer à l’acte, je ne bois pas, je vais à la Mosquée le vendredi mais à côté de ça, je ne fais pas les prières facultatives et je fume des cigarettes alors que c’est interdit. Aujourd’hui, ça fait un an et demi que je suis avec ma copine. Elle a déjà eu des rapports sexuels avant moi mais on attend de se marier pour le faire, tous les deux. Je ne m’attends pas à une nuit de folie pour la première fois mais je n’ai pas d’appréhension ou de gêne quand j’y pense. On a tous les deux confiance en l’autre donc ça se passera bien. Je n’ai jamais vraiment ressenti la pression de la société par rapport à ma sexualité, personne ne s’est moqué de moi ou ne m’a jugé parce que je n’avais rien fait. Je n’ai aucune gêne à en parler. »

 

 

 

Ne pas avoir eu l’occasion

 

Baptiste*, 27 ans : « Je n’ai jamais eu de relation amoureuse ni sexuelle. Quand j’étais au lycée, je pesais environ 100 kilos et je n’avais pas confiance en moi car j’avais subi du harcèlement scolaire donc je n’osais pas aller vers les filles. J’avais peur d’être maladroit ou de ne pas leur plaire. Ma grosse question c’était : comment faire ? Comment aller vers elles, comment entamer une discussion, comment draguer… Je ne savais pas par où commencer. Plus je vieillissais et plus j’avais l’impression que mes chances s’amoindrissaient. Comme si j’étais trop vieux pour le marché. J’ai 27 ans, et j’ai l’impression que c’est impossible pour moi. À chaque fois qu’une fille m’intéresse, soit elle est prise, soit elle me friendzone. En fait, je deviens très vite le bon copain. J’ai déjà pensé aux applis de rencontre mais je n’ai jamais sauté le pas car je le vois comme un échec. C’est comme si j’avais besoin d’aide pour y arriver alors que je sais que je peux le faire seul.

Quand j’avais 15 ans, je ressentais cette pression de la société, je pensais que je devais absolument le faire à cet âge fatidique, quitte à ce que ce soit sans sentiment. À 20 ans, j’ai commencé à me dire : « Merde, il serait temps. » J’avais honte, il fallait que je le fasse. Depuis cinq ans, j’ai pris confiance en moi et maintenant, je m’en fous. Ça arrivera quand ça arrivera, il n’y a pas de deadline. Quand on me parle de sexualité, je fais comme si je l’avais déjà fait parce que j’ai peur de la réaction des autres. Il n’y a que mes amis proches qui le savent. Je n’ai pas envie qu’on se moque, j’ai peur de reperdre confiance en moi donc je me crée une sorte de fausse vie auprès des autres. Mais être seul, c’est cool ! Je me sens libre de faire ce que je veux, quand je veux et avec qui je veux. Après, c’est vrai que je peux parfois ressentir cette solitude amoureuse. L’inconnu me fait peur, et j’appréhende ma première fois. J’ai peur de ne pas savoir faire, de décevoir l’autre. Et j’aurais dix fois plus peur si c’est avec une personne qui a de l’expérience. Mais je me dis qu’il faut arrêter de se mettre la pression par rapport au couple ou à la sexualité. On sacralise trop l’acte sexuel alors que ça fait juste partie de la vie. »

 

 

Ne plus vouloir

 

Arisa, 29 ans : « Quand j’avais quatre ans, je vivais au Japon et j’ai été victime d’attouchements par notre voisin. J’ai déménagé aux Philippines à six ans et un jour, j’étais avec mon cousin (qui avait le même âge que moi) et un touriste américain a essayé de nous appâter avec une glace. On a tous les deux été victimes de viol. À dix-sept ans, je vivais en Suisse et j’étais en camp de vacances. Il y avait une soirée. Normalement, je tiens bien l’alcool mais on m’a fait boire un verre de whisky et tout d’un coup, j’ai été très fatiguée alors je suis rentrée me coucher. Je pense que j’ai été droguée. Quand je me suis réveillée le lendemain, je n’avais plus de culotte et j’ai retrouvé une tâche rouge dans mon lit. Je n’ai rien vu, rien senti, j’étais complètement out, mais je pense qu’on m’a une nouvelle fois violée. La plupart du temps, quand on dit qu’on n’est plus vierge, c’est parce qu’on a eu des rapports consentis. Pour moi, ce n’est pas le cas donc je ne sais pas dire si je le suis ou non.

Après mes 17 ans, j’ai commencé à détester les hommes. Je ne leur faisais pas confiance, même les adultes. Psys, docteurs, éducateurs… Je ne voulais être aidée que par des femmes. Je suis sortie avec quatre garçons mais il ne se passait rien. Avec certains, je ne supportais même pas les câlins. Deux d’entre eux ont essayé d’aller plus loin mais je les ai arrêtés. Le sexe ne m’intéresse pas. Je peux en parler et regarder des pornos mais je peux aussi passer toute une année sans y penser. Ce n’est pas important pour moi. Je ne sais pas si j’ai toujours été asexuelle ou si je le suis devenue après ces traumatismes d’enfance. J’ai ressenti du désir à l’adolescence mais je pense que c’était simplement dû aux hormones, car aujourd’hui je n’en ressens plus aucun, pour personne. J’ai déjà essayé de faire une première fois consentie. J’ai rencontré un garçon en soirée et on se touchait mais finalement, ça ne me donnait pas envie et j’ai arrêté avant qu’on couche ensemble. Peut-être que je le ne ferai jamais de ma vie et ce n’est pas grave. Je me dis que je devrais me mettre en couple avec des asexuels car ils me comprendraient. »



 

Agathe Renac