
Et si se raser la tête était un acte radical de self-love ?
Short hair, don’t care
Des contes de fée à Barbie, on grandit conditionné·ées par l’idée qu’une partie de notre féminité tient dans une longue chevelure bien entretenue. Mais au XXIe siècle, exit ces vieux clichés genrés. Que ça soit sur un coup de tête, après une rupture ou dans un but purement esthétique, de nombreuses femmes se rasent la tête et viennent bousculer les normes de la féminité. S’il peut paraître anodin, le geste de se raser la tête et la manière dont il est perçu en dit long sur notre société. On a discuté avec trois jeunes femmes qui ont sauté le pas, on vous raconte !
Photo : @rubipigeon
Cheveux longs, symbole de féminité ?
Dans la littérature et l’art des siècles précédents, les cheveux longs sont un symbole de vitalité et de sexualité. Face à la difficulté de représenter les poils pubiens dans leurs tableaux sans faire polémique, les peintres optent pour une longue chevelure détachée. Pour l’historien de l’art Daniel Arasse, ce n’est pas un hasard si Marie-Madeleine est représentée avec de très longs cheveux dans l’iconographie religieuse. Évoquant son statut de prostituée, sa chevelure détachée renverrait à l’idée d’un corps nu dévoilé.
Dans le conte des frères Grimm, Raiponce est tenue captive par une sorcière dans une tour sans porte ni escaliers. Sa longue chevelure lui permet d’avoir un lien avec le monde extérieur dont elle est coupée. Un Prince qui passait par là tombe sous le charme de sa voix, et monte jusqu’à elle en grimpant sur ses longues tresses. Lorsque la sorcière s’en rend compte, elle coupe immédiatement les cheveux de Raiponce et fait chuter le Prince qui se crève les yeux. Evidemment, c’est un conte de fée donc il y a un happy ending : les deux amoureux se retrouvent, vivent heureux et eurent beaucoup d’enfants. Mais on note qu’ici, l’acte de se couper les cheveux est perçu comme quelque chose de punitif, si Raiponce n’a plus de cheveux, elle n’a temporairement plus accès à l’amour du Prince.
Reprendre le contrôle
Qu’ils soient longs, crépus ou volumineux, les cheveux demandent beaucoup d’entretien. Pour parfaire sa chevelure, il faut y consacrer du temps, des soins et un budget. Rien d’étonnant alors à ce que certaines femmes sautent le pas et décident de se raser la tête pour se libérer de cette charge capillaire. Mais que ça soit de manière consciente ou non, il y a parfois d’autres motivations qui nous poussent à vouloir un changement radical et visible. Qui n’a pas déjà eu envie de changer de tête après un nervous breakdown ? D’après Rebecca Newman, psychothérapeute interviewée par Dazed Beauty, il est fréquent qu’une personne ressente le besoin de changer d’apparence après une rupture. En se coupant les cheveux, on s’allège du poids que représentent nos cheveux et de celui, plus symbolique, du travail émotionnel que pouvait nous demander la relation.
En 2007, la toile s’enflamme à la découverte des images de Britney Spears se rasant la tête. Les tabloïds s’en donnent à coeur joie, titrant que la chanteuse a touché le fond. À l’époque, Britney Spears est en plein divorce, en prise à des addictions et des problèmes de santé mentale. Ses moindres faits et gestes sont scrutés par la presse people. Et bien qu’elle ait déclaré s’être rasée la tête pour ne plus qu’on la touche contre son gré, pour les médias et l’opinion publique, cette action serait juste le synonyme d’un pétage de plomb. Cet événement, devenu l’un des moments pop culturel les plus marquants de ces dernières années, est évoqué dans le documentaire Framing Britney Spears sorti en 2021. Et avec le recul, il paraît assez évident que ce qui a été couvert par les médias comme un coup de folie était un geste fort de la part de Britney Spears. En se rasant la tête, elle reprend le pouvoir en revendiquant son indépendance et son droit de ne plus correspondre à ce que l’on attend d’elle.
Un acte radical de self-love
Et même quand on n'est pas Britney Spears, on peut ressentir une certaine pression liée à la féminité. Dans une société qui valorise les femmes - en grande partie - à travers leur apparence, celles qui choisissent de se raser la tête sont perçues au mieux, comme pas assez féminines, au pire, comme une menace. Pernelle, 23 ans, nous raconte que depuis qu’elle s’est rasée la tête, elle trouve que certaines personnes font preuve d’une curiosité mal placée, en lui demandant régulièrement si elle est malade. Comme quoi, même en 2022, quand une femme désire s’éloigner des standards de féminité classiques, ça en dérange plus d’un·e. Pour Toy, 28 ans, la féminité ne réside pas dans la longueur des cheveux. Après s’être rasée la tête à trois reprises, elle observe que cet acte possède un caractère libérateur, qui lui permet de repenser sa féminité en dehors des normes.
Pour Liv, se raser la tête à 17 ans, a été un moyen de construire son identité et de se découvrir. Elle essuie pas mal de remarques, notamment sur son genre ou sa sexualité, alors que ce ne sont pas forcément des questions auxquelles elle réfléchit à l’époque. Au même moment, elle garde une petite fille de 5 ans aux cheveux longs, dont la mère se réjouit qu’elle puisse avoir un modèle de princesse au crâne rasé IRL. Aujourd’hui âgée de 22 ans, Liv réalise que son geste lui a permis de prendre plus d’assurance et de se soucier un peu moins de ce qui plairait aux autres. Cela fait écho à l’expérience de Toy, qui remarque que lorsqu’elle a le crâne rasé, les gens s’intéressent davantage à ce qu’elle dit qu’à son apparence physique. Et ça fait du bien.
Justine Sebbag