En 1991, la journaliste Katha Pollit constate que les productions audivisuelles ont l’habitude de présenter une figure féminine unique ou une minorité de femmes au sein d’un groupe d’hommes, comme dans Winnie l’Ourson, les Tortues Ninja, Star Wars ou encore les Schtroumpfs, et théorise alors le syndrome de la Schtroumpfette. Déjà largement minoritaires, les figures féminines sont souvent secondaires et là pour conforter les personnages masculins : intérêts romantiques, sidekicks, confidentes... Et forcément, ce manque de représentativité à des conséquences sur la construction sociale des femmes.

 

 

Une compétition pour le regard masculin

 

Le syndrome de la Schtroumpfette véhicule l’idée plus ou moins consciente qu’il n’y a que très peu de places pour les femmes dans un groupe masculin, présenté comme le modèle amical idéal à intégrer, ce qui crée rivalité et animosité chez de nombreuses filles et femmes. Résultat : elles deviennent des actrices actives de la misogynie et dépendent des hommes, même dans leurs rapports amicaux. Elles ne sont plus définies par leur personnalité, mais par leurs relations avec eux : grosse ambiance male gaze.

Si le raisonnement vous paraît un chouia disproportionné, réfléchissez-y : vous avez sûrement des groupes atteints du syndrome de la Schtroumpfette dans votre entourage. Si vous êtes une fille, vous en faîtes même peut-être l’expérience directe en vous sentant plus valorisée au milieu d’un groupe d’hommes, ou en vous sentant exclue par les filles d’un groupe lorsque vous tentez de les approcher.

 

Ces comportements renforcent le stéréotype que les femmes ne s’entendent pas et ralentissent nos réunions, où l’on pourrait partager nos vécus, construire des liens forts et repenser nos façons de vivre. Comme avec chaque mécanisme patriarcal, on y perd toutes au change.

 

 

L’émancipation par la sororité

 

Un antidote très efficace contre ce poison lorsque l’on est une femme : la sororité. Elle crée une chaîne de bienveillance pour briser la dévalorisation et penser nos propres espaces loin du regard masculin (on vous en avait parlé sur Tiktok). Si elle n’est pas toujours évidente à appliquer, elle permet de changer nos automatismes face aux femmes, en passant de l’hostilité à l’inclusion.

Face au syndrome de la Schtroumpfette, la sororité permet donc d’analyser des sentiments négatifs envers une autre fille, pour savoir s’ils sont légitimes ou s’ils relèvent d’un conditionnement à la compétitivité.

 

 

Et les hommes dans l’histoire ?

 

Si les femmes sont les actrices principales de leur libération, pas une raison pour que les hommes chillent tranquilles dans leur transat. Donc, quelques conseils : laissez la/les fille·s de votre groupe prendre de l’espace en tant qu’individus et pas en tant que représentantes de leur genre, en valorisant leurs opinions, actions et personnalité.

 

Et soyez safe au sein et en dehors du groupe : si vous ne passez pas votre temps à comparer, sexualiser et dévaloriser les femmes et la féminité, il est fort probable que celles déjà intégrées au groupe ne se sentent pas en insécurité en tant que membres et que celles de l’extérieur aient envie de vous rejoindre en voyant qu’elles seront traitées comme des êtres humains.
 

Claire Roussel