Privilège parisien, quand tu nous tiens

 

À 13 ans, on était avant tout intéressé·es par les intrigues et les histoires d’amour des personnages, mais en 2022, impossible de ne pas chausser les lunettes de sociologue et de confronter le film à notre expérience de la vie parisienne. Le truc le plus dur à avaler, finalement, ce n’est pas le triangle amoureux Lola-Maël-Arthur mais plutôt la taille de l’appartement de Sophie Marceau. Eh oui, au collège on était encore loin de connaître les prix exorbitants du marché immobilier francilien, mais aujourd’hui, impossible d’ignorer le fait que Lola, sa mère et ses deux frères et sœurs vivent dans un duplex immense en plein centre de la capitale... avec chacun·e leur chambre.

Si le film évoque vaguement la maîtrise d’architecture d’Anne, on reste un peu dubitatif·ves concernant la probabilité qu’une mère divorcée avec trois enfants réussisse à y vivre et à se payer autant de pulls en cachemire. Revoir LOL en tant qu’adulte, c’est aussi réaliser que nos héro·ïnes prefs étaient en fait ultra-privilégié·es et évoluaient dans un milieu très petit bourgeois : blanc, hétéro, avec des prénoms composés (Paul-Henri, really ?) et des noms à particule... Si vous ne l’aviez pas encore deviné, LOL a été tourné dans le XVIème arrondissement de Paname.

 

 

Les années 2010 n’étaient pas très féministes

 

Ce qui fait le plus mal, c’est sans aucun doute le sexisme des garçons à l’égard de filles qui sont censées être leurs amies et leurs copines. Arthur qui insulte Lola à répétition, Medhi qui fait de même avec Stéphane... Les personnages féminins encaissent des agressions d’une grande violence, qui semblent pourtant laisser toustes les adultes du film de marbre : quand Lola se plaint du harcèlement de son ex à la direction, la principale se contente de lever les yeux au ciel et de la sanctionner.

 

De leur côté, Lola et ses copines sont quant à elle le parfait exemple de la misogynie intériorisée, qui se traduit par une rivalité féminine terrifiante : grossophobie, slutshaming de De Peyrefitte, dont le seul tort semble être d’avoir une vie sexuelle plus libérée que les autres filles de sa classe, LOL est un condensé de pépites machistes qui font mal au cœur.

Certes, l’adolescence est cruelle et pas toujours déconstruite, et Lisa Azuelos filme justement la brutalité des rapports entre jeunes, mais revoir son film, c’est aussi avoir des flashbacks pas très fun des micro-agressions qu’on a subi au collège et au lycée (coucou les mains aux fesses et les bruits de couloir calomnieux). Heureusement, à la fin du film Lola fait preuve d’un peu de solidarité vis à vis de De Peyrefitte en balançant à son ex « Tu veux pas arrêter de traiter les meufs de p\te ?* ». De notre côté, on ne peut qu’être soulagé·e que #metoo soit passé par là et que les jeunes générations ne laissent plus passer ce genre de comportements.

 

 

Quid de l’éducation sexuelle ?

 

Une grande partie de LOL se consacre à la vie sexuelle balbutiante de Lola et sa bande de potes : sex friend, porno, premières fois... Et si en 2008, Sophie Marceau nous est apparue comme la maman la plus cool du cinéma, dix ans plus tard, on s’interroge quand même un peu sur l’éducation sexuelle (typique de cette période) qu’elle choisit de donner à son enfant. Comme beaucoup de parents, sa seule réponse à la sexualité naissante de sa fille semble être la panique et la censure. « Tu ne vas pas faire les affreuses bêtises avec les affreux garçons ? » s’inquiète-t-elle (et de manière ultra infantilisante en plus).

À part un comportement control-freak mâtiné de slutshaming (« Tu ne fais pas ce que tu veux, tu es ma fille », « Tu ne vas pas te transformer en actrice porno »), Anne n’offre aucun réel accompagnement à son ado : pas de discussion autour de la contraception et encore moins autour du consentement. « C’est mon corps et je fais ce que je veux avec » rétorque Lola, que l’attitude de sa mère n’empêchera pas de vivre sereinement sa première fois… Mais sans pouvoir se confier à sa maman-copine.

 

Heureusement, depuis, le rapport à l’éducation sexuelle à bien changé : les médias proposent des contenus grand public de plus en plus pédagogiques comme Sex Education (avec des figures parentales inspirantes telles que Jillian, la mère d’Otis <3) et les ados ont accès à des ressources en ligne qui leur permettent de trouver les réponses à leurs questions.

 

Bilan : revoir LOL, c’est un peu comme réessayer nos vieux vêtements du collège, on les retrouve avec nostalgie mais ça ne nous va plus. On aura toujours beaucoup d’amour pour Lola et un crush sur Maël mais on est aussi contentes que notre éducation féministe nous permette de prendre du recul sur les représentations problématiques offertes aux adolescent·es.
 

Lena Haque