Le retour de hype de Tumblr
Enfilez vos bombers, chokers et creepers
Tumblr, c’est un peu l’enfant bizarre d’Internet. Des billets de blogs longs comme des thèses, des références pointues et subversives à toutes les lignes, des photos énigmatiques sous-titrées comme dans les films et puis surtout des gifs, des gifs, encore des gifs. Si son absence de structuration comparé à des plateformes comme Twitter et Instagram a coûté à Tumblr une perte massive d’utilisateur·ices à partir de 2016, les polémiques qui entourent ces dernières lui permettent aujourd’hui de faire un come back remarqué — même si beaucoup ne l’ont jamais vraiment quitté.
J’ai suivi à peu près le même parcours sur Internet que la plupart des filles nées à la fin des années 90. J’ai habillé des barbies kawaii sur Oh My Dollz, j’ai créé un Skyblog pour moi et un pour mon lapin, j’ai fait la course aux likes sur mes photos de profil Facebook. Et puis, j’ai eu quinze ans. J’ai pleuré en apprenant la mort de Kurt Cobain sur Wikipédia, re-pleuré en visitant la page de John Lennon, séché mes larmes en constatant que Chester Bennington était toujours vivant — si j’avais su. C’est à ce moment que Tumblr a fait irruption dans mon cœur d’adolescente, désireuse de trouver des contenus plus « niche » et de construire ma personnalité. Trois points pour vous dire combien Tumblr, c’est la vie.
@leacore
Le berceau de la culture fan
Sur Tumblr, la possibilité de créer un blog en y intégrant ses propres posts et en repostant des contenus venus d’autres blogs a tout de suite permis de créer un lien fort entre les utilisateur·ices qui apprécient le fait d’être obsédé·es par les mêmes sujets. D’où la naissance de communautés de fans — ou fandoms — qui se sont rapidement appropriées la plateforme en y postant des fan fictions, des théories sur leurs groupes préférés ou simplement des gifs des artistes en question. Pour aller plus loin, on vous conseille cette vidéo de la YouTubeuse Clara Defaux, spécialisée sur la culture fan.
@IsaVanZomeren
Une safe space
Puisque la plateforme promeut les centres d’intérêts communs et propose une large limite de signes, elle offre à ses communautés une safe space où celles-ci peuvent explorer leur identité ou leurs obsessions, le tout, dans l’anonymat le plus total. À noter qu’en 2018, la plateforme a banni les contenus pornographiques, qui faisaient pourtant partie des posts les plus recherchés à l’époque. La démarche a été largement décriée par les communautés queers, qui trouvaient dans ces contenus une manière de montrer des représentations de la sexualité souvent invisibilisées ou marginalisées. Quatre ans après, la plateforme a fait marche arrière, autorisant la nudité, mais pas les représentations visuelles d’actes sexuellement explicites.
@Weheartit
Là où naissent les tendances
Si je vous disais qu’il y a de grandes chances que les contenus que vous voyez passer sur votre For You Page sur TikTok viennent en grande partie de Tumblr ? C’est le cas de la tendance « Core Core », qui regroupe des contenus mettant les émotions au service d’une création artistique avec une esthétique à la mélancolie exacerbée… originellement propre à Tumblr. Et c’est d’ailleurs sur cette plateforme que naissent les premiers mèmes sous l’impulsion des fandoms, aidés par leurs références pointues communes.
Suite au rachat de Twitter par Elon Musk, les téléchargements de Tumblr ont augmenté de 58% sur iOS et de 57% sur Android au cours de la première semaine de novembre 2022. Pour la plateforme, c’est plutôt chouette. Mais pour les communautés présentes sur Tumblr, c’est plus compliqué. Celles-ci craignent que des marques ou des personnalités publiques viennent empiéter sur leur espace, le rendant plus corpo, moins chaotique. D’un autre côté, ce regain de popularité a sûrement aussi quelque chose à voir avec la tendance du retour à l’insouciance des années 2000-2010, particulièrement plébiscitée chez les jeunes générations. Et vous, Tumblr, vous y retourneriez ?
Marine Slavitch
