Attention, pour vraiment analyser les big issues de ce film, on est obligées de vous spoiler certaines scènes. Donc soit vous l’avez déjà vu et vous aimeriez bien comprendre ce qu’on lui reproche, soit vous ne comptez pas le regarder mais l’illustration du privilège dans un film vous intéresse (soit vous vous en moquez d’être spoilé·e et allez quand même mater le film après par curiosité).

 

 

C’est dur d’être riche

 

Ce qu’on ne vous dit pas tout de suite dans le synopsis, c’est que la fameuse Fuck-it List, la liste de tous les trucs que Brett s’est toujours empêché de faire pour que son dossier soit nickel et ses notes au top et qu’il décide de faire maintenant #balec, notre héros la poste sur les réseaux dans une vidéo. Et bien sûr, ça fait le buzz.

Tellement d’ailleurs que Harvard le recontacte pour finalement lui proposer une place. Seule condition : écrire une lettre de motivation. Que fait Brett ? Il y réfléchit un long moment (dans la grande piscine privée de ses parents) avant de dire merci mais non merci à Harvard dans une jolie lettre qui remet en question le système éducatif du monde moderne et de se barrer faire le tour du monde avec sa go.

 

La lettre est cool, remettre en question le système aussi. Mais pour s’offrir le luxe d’envoyer ch*er la meilleure fac du pays ET enjoy les hôtels 5* en Thaïlande, à Paris, Rome, Rio, Bamako plus tous les billets d’avion pendant un an, Brett est bien content d’avoir l’argent de ses parents. Ses deux parents, encore ensemble, blancs et riches, qui lui ont payé des cours particuliers de clarinette toute sa vie, entre autres. Quelqu’un a dit hypocrisie ?

Ce n’est pas la seule : Brett ne remet en cause le système que 5 minutes avant d’accepter de faire sponsoriser la viralité de son mouvement par des food trucks et des marques de sodas. Le système, il est en plein dedans, il en profite clairement. En tant qu’homme blanc, cis, hétéro, riche et valide, il est même au sommet de la chaîne alimentaire du système. Et n’a clairement pas l’intention de prendre du recul par rapport à ça.

 

 

Gros manque de recul

 

Au début du film, quand Brett apprend qu’il est pris dans toutes les meilleures facs du pays, il se plaint auprès de son meilleur pote afro-américain : “Tu as de la chance d’avoir le sport. Tu n’as pas besoin de galérer avec toutes ces absurdités”. Trop dure ta vie Brett. Si son meilleur pote a accès à la fac grâce à une bourse sportive, c’est justement parce qu’il est noir, et que les clichés issus de l’escalavage ont la vie dure : les personnes afro-américaines sont souvent valorisées pour leur compétences athlétiques mais dénigrer pour leur intelligence.

Autre exemple : quand Brett apprend que la meuf qu’il kiffe doit partir en Italie pour faire du mannequinat histoire d’économiser pour la fac (comprendre : s’exposer en bikini sur des yacht de vieux riches), au lieu de critiquer l’objectification du corps des femmes dont elle est victime, il lui reproche son choix #slutshaming. Sauf que Kayla n’a pas le choix, elle ne peut pas compter sur l’argent de ses parents (qui se résume à son beau-père qui l’a abusée et sa mère qui a remis la faute sur elle).

 

Autre abus : à un moment donné on assiste à un gros “pétage de câble” de Brett (lol) qui décide de convier tous les followers de son mouvement à un gros feu de joie de livres scolaires. En soi, on kiffe aussi l’idée. Se libérer des chaînes de l’éducation standardisée en brûlant un symbole de l’oppression de la jeunesse, pourquoi pas. Sauf qu’aux Etats-Unis, les livres scolaires coûtent cher, et des élèves précaires ne peuvent pas les acheter, ou alors au prix de sacrifices pour toute leur famille. Plutôt que de brûler des livres Brett, pourquoi ne pas organiser une soirée de dons pour les ado qui en auraient besoin plutôt ? Ca aussi c’est faire un doigt au système.

 

 

Et les vraies conséquences dans l'histoire ?

 

En matière de privilèges, on peut aussi parler de l’absence totale de conséquence suite aux agissements de Brett. La farce qui tourne mal, c’est en fait l’explosion de tout un bâtiment de son lycée. Et ça normalement, ça entraîne des poursuites judiciaires. Mais pas pour Brett, qui est riche et blanc et bien protégé par ses parents.

Et si son mouvement est décrit et perçu comme un cri révolutionnaire et légitime de la jeunesse, c’est aussi parce que Brett est riche et blanc. Si une personne racisée avait entamé ce même mouvement, on l’aurait traité de thug, on aurait parlé d’incitation à la débauche, de perte de valeurs, de feignantise déguisée. Et ça ne ce serait clairement pas transformé en un ticket gagnant pour Harvard.

 

Si on valide l’idée de base du film qui est de remettre en cause la pression de la société (parents compris) sur les jeunes pour qu’iels “réussissent” (aka qu’iels fassent de la thune), on regrette qu’il remette zéro en question l’immense privilège de pouvoir faire ça.

 

C’est aussi ok de vouloir changer le système après avoir fait une grande école pour s’assurer une sécurité quand nos parents ne peuvent pas nous l’offrir. C’est ok de financer ses études comme on peut, sans être jugé·e. C’est ok de ne pas être influenceur·se à 17 ans comme à 40. C’est ok d’être en colère face aux injustices de genre, de race, de classe. Et c’est aussi ok d’aimer ce film, si on fait l’effort de se remettre en question après ;).