#1 Un roman de l’intime sur-puissant sur la liberté et la maternité

On parie que vous allez avoir un crush sur ce roman de Julia Kerninon. On ne sait pas si c’est sa plume envoûtante-haletante, ou la justesse unique et troublante avec laquelle elle nous fait plonger dans son intimité, mais une chose est sûre : on a adoré (et dévoré) ce livre.

 

L’autrice y aborde façon confession poétique son rapport à la maternité, le bouleversement (parfois déchirant) que c’est de quitter une vie à soi seule, une vie de rencontres, d’exploration, d’amour pour devenir mère à 30 ans. Dans ce chassé-croisé entre ses souvenirs de soirées copines, ses premiers amours, son métier, ses doutes et la naissance de ses deux enfants, on s’émeut, on s’emballe, on se perd et on se retrouve. Une déclaration d’amour de toute beauté à son indépendance, et à sa famille - deux choses que l’on décrit trop souvent comme incompatibles.

 

Toucher la terre ferme, un roman de Julia Kerninon, à découvrir aux éditions L’Iconoclaste, 15€

 

#2 Un recueil de nouvelles inédit d’une queen de la littérature du XXème

Comment une autrice aussi brillante a-t-elle pu passer à la trappe et ne pas siéger aux côtés des « grand·es auteur·ices du XXème siècle » ? On ne sait pas, mais ce que l’on sait, c’est que le méfait est (enfin) réparé avec cette toute nouvelle traduction de ses écrits les plus emblématiques : Des machines dans la tête.

 

Des textes dopés à l’anxiété et à la dépression y rencontrent des envies de tout envoyer bouler, de s’évader - à travers des amants imaginaires ou des récits qui flirtent avec la SF. Mais qu’on ne s’y méprenne pas : si Anna Kavan a bien connu la douleur psychique (pour avoir vécu plusieurs dépressions nerveuses et souffert de problèmes d’addiction tout au long de sa vie), elle n’a jamais cessé de lever le poing et la plume pour montrer que l’écriture peut être le meilleur terrain de transformation de la souffrance en poésie. Les nouvelles choisies (parmi différents recueils) pour cette édition sont courtes, et font l’effet d’une bourrasque que vous vous prenez en pleine figure. Elles flirtent entre la folie et le génie, la douleur et le sublime - le tout assaisonné d’une intelligence, d’une plume et d’un cynisme au piquant complètement uniques.

 

Des machines dans la tête, un recueil de nouvelles d’Anna Kavan, traduction Laetitia Devaux, à découvrir aux éditions Cambourakis, 22€

 

#3 Un roman graphique aussi beau que douloureux sur la fin de vie

Ce n’est pas souvent que l’on rencontre les pensionnaires d’un EHPAD au creux des planches d’une bande dessinée. Invisibles, les personnes âgées ? Invisibles, les infirmières qui les accompagnent avec douceur, amour et soin dans leurs derniers moments de vie ? C’est peu dire. Mais pas dans le tout dernier roman graphique de Quentin Zuttion, La Dame Blanche.

 

L’héroïne de ce livre, Estelle, nous fait naviguer des couloirs de l’EHPAD dans lequel elle travaille à son appartement où elle rentre avec difficulté - enchaînant les deuils de ces inconnu·es avec qui elle se lie d’amitié, avec qui elle partage 35h / semaine. Sous la plume et le coup de crayon de l’auteur, on plonge dans la difficulté et la beauté du quotidien de celles et ceux qui exercent des métiers du care ; mais aussi dans les tracas, les désirs et les souvenirs de Germano, Sophie et des autres : ces résident·es qui tanguent entre nostalgie d’une vie bien entamée, peur de la mort et difficulté de la maladie. On ne peut pas vous garantir que vous ne pleurerez pas, mais on peut vous promettre que vous vous prendrez une sacrée claque.

 

La Dame Blanche, un roman graphique de Quentin Zuttion, à découvrir aux éditions Le Lombard, 22,50€

 

#4 Un roman-voyage au pays des désirs d’une bande de filles de 13 ans

Elle a envie de plaire, mais peur d’être rejetée. Elle exècre ses poils, elle a peur de ses seins trop absents, elle essaye le cul maladroitement au téléphone avec des garçons qui n’y comprennent rien eux-mêmes… Dans Le goût des garçons, Joy Majdalani nous plonge dans les pensées et les désirs d’une ado qui voudrait prouver au monde entier (et surtout à elle-même) qu’elle a pénétré le monde mystérieux de la sexualité. Avoir 13 ans, avoir un corps, des hormones et des questions en pagaille : une équation excitante et douloureuse magistralement racontée par cette autrice libanaise - qui montre la perte de candeur que l’on peut éprouver quand on cherche innocemment à comprendre son corps, et que l’on se retrouve prise au piège de l’hypersexualisation et du slut shaming.

 

Mais comment explorer ses désirs et sa curiosité quand on grandit dans un milieu cerclé de tabous sur la sexualité, que l’on est scolarisée dans un lycée catholique privé ? L’héroïne transgresse, ose, étale sa curiosité furieuse d’adolescente au fil de ces pages touchantes et troublantes de véracité. Une ode aux meufs bizarres, aux moutons noirs de la cour de récré, aux rebelles trop grandes gueules pour être admirées, trop curieuses du cul pour ne pas être punies.

 

Le goût des garçons, un roman de Joy Majdalani à découvrir aux éditions Grasset, 16€

 

#5 Embarquer pour les États-Unis sous la plume de Joan Didion

Embarquement immédiat pour les États-Unis et les sixties avec cette sélection de chroniques toutes plus brillantes et cool les unes que les autres de Joan Didion. De son refus à la fac de Stanford à ses débuts chez Vogue, en passant par ses pérégrinations quotidiennes qui ne manquent jamais d’être aussi acerbes que politiques, cette autrice de génie nous inspire, nous fait rire et nous abreuve de ses réflexions et de ses leçons de vie. Une vie d’écriture et de voyages qui promet de vous donner matière à kiffer et à penser.

 

Des pages géniales à dévorer pour se régaler de la plume impertinente et inspirée de cette queen partie trop tôt.

 

Pour tout vous dire, un recueil de chroniques de Joan Didion, traduction Pierre Demarty, à découvrir aux éditions Grasset et Fasquelle - En lettres d’Ancre, 17€

 

#6 Se réapproprier son corps avec l’essai d’Emily Ratajkowski

On voit souvent celle que l’on appelle Emrata, mais quand est-ce qu’on la lit ? Quand est-ce qu’on l’entend raconter et se réapproprier son histoire, au-delà des tabloïds et des clichés parfaits sur Insta ? Précisément dans son tout nouveau livre qui porte bien son nom : My Body.

 

Si la lecture de ce livre est parfois difficile (TW violences sexuelles), et loupe parfois une critique des diktats de la beauté et de la minceur (qu’elle se contente de décrire sans les critiquer vraiment), il reste néanmoins une vraie mine de réflexions pertinentes et lumineuses sur des questions aussi sensibles que celle de l'objetisation du corps des femmes dans une industrie dominée par le male gaze. Comment utiliser son corps pour réussir sans être prise au piège et se ramasser des discours sexistes ? Comment échapper à la misogynie intériorisée qu’on demande trop souvent d’adopter aux mannequins et aux actrices ? Comment profiter du système quand on sent que le jeu se joue aussi à son détriment ? Dans ces chroniques de l’intime, Emily Ratajkowski brise l’omerta, balance ses porcs (poke Robin Thicke et bien d’autres) et nous offre un récit empouvoirant et inédit de sa vie et de son métier.

 

My Body, un essai et un récit d’Emily Ratajkowski, traduction Laurence Kiefe, à découvrir aux éditions du Seuil, 19€