À part pour les grands événements sportifs, vous avez déjà vu des foules se presser à l’intérieur des bars, surexcitées à l’idée de profiter d’un bout d’écran malgré l’ivresse et la chaleur des corps ? Si non, il faut absolument que l’on vous parle de Drag Race. Le programme est arrivé sur la plateforme France.tv Slash et sur France 2 l’été dernier, adapté de l’émission américaine RuPaul’s Drag Race, qui compte aujourd’hui une quinzaine de saisons. Aux manettes, la queen Nicky Doll, incarnée par Karl Sanchez, icône de l’art drag depuis sa participation à la douzième saison du programme américain. Celle-ci a la lourde tâche de trouver la reine de la saison, épaulée dans sa mission par le DJ et producteur Kiddy Smile et l’animatrice Daphné Bürki.

 

La première édition a rassemblé 7 millions de téléspectateur·ices sur l’ensemble de la saison. Un record d’audience couplé à un succès critique pour la chaîne, qui a décidé d’avancer d’une demi-heure la retransmission de la prochaine saison sur France 2, à 22h55. Le simple choix de rediffuser l’émission à la télévision, quelques heures après sa mise en ligne sur France.tv Slash n’est pas anodin. Trop souvent, il n’est pas offert aux personnes LGBTQIA+ d’être simplement représentées à la télévision. Avec pour conséquence des publics moins informés sur la culture, les combats et les enjeux qui traversent cette communauté. En abordant des sujets tels que le coming out, la transidentité ou la séropositivité, la Drag Race a joyeusement rebattu les cartes. Et permis aux LGBTQIA+ de se réapproprier l’espace public, même si le chemin est long. À ce sujet, on vous conseille de vous pencher sur cet article de la journaliste Manon Boquen sur le harcèlement que subissent les artistes drag en Bretagne.

Des viewing parties

 

S’il est clair qu’on n’irait pas encore se poser au premier PMU venu pour se mater un épisode de Drag Race en direct, certains bars et clubs organisent des « viewing parties » où chacun·e peut encourager ses queens préférées en toute sécurité. Particulièrement répandus aux États-Unis, ces moments de visionnage collectif s’exportent depuis plusieurs années en France pour diverses émissions telles que Top Chef, la StarAc ou encore l’Eurovision. Disons que ces rassemblements sont tout de même un peu moins sages lorsque c’est la Drag Race qui apparaît à l’écran.

 

Car les viewing parties, c’est à la fois un lieu de rencontres, un moment de communion entre les membres d’une même communauté et un spectacle. Lors de ces rassemblements, la pub, c’est presque le moment que l’on attend le plus. Les queens qui animent la soirée en profitent pour performer et montrer l’étendue de leur art devant un public émerveillé, quand elles ne prennent pas le temps de refaire le match avec des commentaires aussi piquants qu’hilarants. On parlait plus haut de l’importance pour les personnes LGBTQIA+ d’affirmer leur place dans l’espace public. Il y a beaucoup de cela, dans les viewing parties qui apportent une dimension festive à la lutte. D’autant que l’émission permet à tout un pan de la culture queer de s’étendre au-delà d’une audience déjà alliée et de s’installer dans les foyers des Français·es, dans les bars et dans les rues. Bref : de questionner le genre auprès du grand public en allant directement là où il se trouve.

À la conquête des plus belles salles

 

Cette année, France Télévisions participe pour la première fois à la Marche des fiertés. À Toulouse, le 10 juin, Daphné Bürki s’est installée sur un char de la Drag Race France en compagnie des queens de la saison à venir et de Lova Ladiva, candidate toulousaine de la première édition. Celle-ci participera également à la Pride de Marseille, le 1er juillet. Qui s’attendait ici à ce que le service public s’engage un jour au point de présenter des artistes drag à la France ? Preuve de l’engouement populaire, le spectacle des reines de la saison 1 s’est joué à guichets fermés dans une vingtaine de salles françaises, avec plusieurs dates au Casino de Paris. Tournée réitérée pour la prochaine saison, dont la grande finale sera cette année enregistrée en public au Grand Rex à Paris. On sait pas vous, mais nous, on est certaines de prendre nos billets.

Marine Slavitch