De père algérien et de mère française, Lisa fait de son corps un étendard de l’histoire coloniale. Beurette ? Ce mot, elle le revendique. Parce que femme, maghrébine et de classe populaire, la beurette est théoriquement relayée au bas de l’échelle sociale. Avec les personnages que Lisa distille sur Instagram, elle piétine du haut de ses cuissardes Dior l’hypersexualisation et la fétichisation de la femme orientale, pour inventer une nouvelle aristocratie : la Beurettocratie.


 


Cette aristocratie, Lisa l’a construite en alliant son amour pour la mode, l’humour, et avant tout, l’« empowerment des meufs ». La beurettocrate multiplie les personnages qu’elle incarne sur son compte Instagram ; Shéhérazade achète ses propres sneakers alors que le grand vizir voulait la doter, Barbie Fatima ne fait pas le ménage mais “nettoie les pots cassés du patriarcat” et Sainte Hessmeralda devient la nouvelle Madone algérienne.
 

 


Avec son travail de performeuse, elle remet sur le devant de la scène l’histoire d’un mot fort. Empreint de racisme, de sexisme et de classisme, “beurette” est avant tout un renvoi douloureux à l’instrumentalisation du corps de la femme à des fins politiques sous l’empire colonial. Valises Louis Vuitton, boucles d’oreilles Playboy, T-shirt Unkut, jupe Moschino et toujours son écharpe aux couleurs de l’Algérie à la main, Lisa Bouteldja rejoue les clichés de la beurette pour se réapproprier l’insulte. 

 

 


La Beurettocratie, c’est donc un grand combat libertaire où la résilience est le maître-mot. Armée de sa kalashicha (mi kalash, mi chicha) Lisa Bouteldja, beurettrocrate première du nom reprend l’espace qui lui est dû et compte bien le redistribuer à toutes ses sœurs.