Donald Trump n’est pas tombé du ciel

 

Pitch : la petite merveille co-réalisée par Cate Blanchett (<3) et débarquée tout récemment sur Canal retrace via 6 portraits les trajectoires et débats des communautés militantes autour de l’Equal Rights Amendment (= la loi pour l’égalité des sexes) aux États-Unis dans les années 70. Elle a (surtout) “choqué” pour le choix étonnant de son personnage principal : Phyllis Schlafly, une activiste anti-féministe d’extrême droite.

Il faut savoir que Schlafly est connue aux États-Unis : elle y a vécu jusqu’en 2016, et a milité jusqu’à la fin de sa vie aux côtés (entre autres) de… Donald Trump. Ce qui fait de Mrs America la série parfaite pour reposer les bases de la pensée / société (ultra)-conservatrice américaine que l’on connaît aujourd’hui.

 

Au coeur des débats de l’époque : l’égalité “des sexes” (aka des genres), la lutte pour le droit à l’IVG, et la nécessité pour les femmes de composer avec l’échiquier politique en place (= des hommes blancs, cis, hétéros et privilégiés). Oups, excusez-nous, quelque chose a changé ?

On comprend mieux (et c’est flippant) à quel point Donald Trump n’est pas tombé du ciel et s’inscrit dans la tradition d’une pensée résolument misogyne, raciste, homophobe et liberticide qui menaçait déjà les droits et libertés des femmes et des minorités il y a un demi-siècle.

 

Contemporain ? À peine. Car si la lutte et la conquête de l’accès à l’IVG s’est faite dans un contexte tendu, ce droit est encore particulièrement précaire aux États-Unis de nos jours. Gardons bien en tête aussi le fait que 53% des femmes blanches (!!) ont voté pour Trump aux Présidentielles de 2015.

 

 

Comment inventer un féminisme pour tous·tes ?

 

Le troisième épisode de Mrs America est consacré à Shirley Chisholm, la première femme noire élue au Congrès États-Unien.

On la retrouve dans la série en pleine campagne pour les primaires démocrates où elle concourt en face… d’un homme blanc (étonnant). Chisholm (interprétée par Uzo Aduba - la Crazy Eye d'Orange is The New Black) et son parcours politique et militant figurent parmi les choses les plus inspirantes de la série.

 

Car déjà à l’époque, la première puissance économique mondiale n’est effectivement “pas prête” à envisager une femme comme Présidente (poke Hillary Clinton), et encore moins une femme noire. Ce qui n’est pas sans lien avec l’omniprésence des femmes blanches dans le mouvement féministe des 70’s, et (donc) la place secondaire qu’occupe dans le débat l’oppression des femmes racisées et des “minorités” de manière plus globale.

La série montre comment l'exclusion des femmes noires et lesbiennes (par exemple) de la communauté féministe ouvre sur la création de nouvelles formes nécessaires de militantisme, plus inclusives. Et c’est précisément de ces problématiques et enjeux dont la “quatrième vague féministe” (coucou c’est nous) a hérité aujourd’hui. On appelle ça la naissance du féminisme intersectionnel (le terme sera inventé en 1991).

 

 

Éloge de la révolution

 

L’un des ingrédients magiques de Mrs America est aussi de parler à la combattante et à la militante en chacune d’entre nous, en nous montrant le courage et la détermination de Chisholm, de Betty Friedan, ou encore de Gloria Steinem (iconique et inspirante en jeune activiste féministe et fondatrice du Ms. Magazine).

Car ce qu’on y voit surtout, ce sont des femmes qui se battent ensemble. On y retrouve la vibe militante des années 70 : l’importance de se retrouver pour échanger, aussi bien dans des lieux privés que sur la place publique et dans les lieux de pouvoir politique. Pour être au coeur de l’action, se donner de la force, et lutter ensemble.

 

En fait, dans l’un comme dans l’autre des camps, on comprend avec Mrs America à quel point, pour le meilleur et pour le pire, l’union fait la force.

Car la sororité est le premier ingrédient de la révolution, et pas seulement de la révolution féministe. De toutes les révolutions. Pour transcender et augmenter le principe de fraternité qui s’étale sur les parvis de toutes les mairies mais qui exclut systématiquement les femmes et les minorités des lieux de décision et de pouvoir.

 

Ce qui a certes pour effet de nous mettre en face d’une réalité politique effrayante et qui n’a pas changé depuis (#extrêmedroite), MAIS AUSSI de nous faire prendre conscience de l’impact qu’ont nos luttes, même (et surtout) quand elles sont quotidiennes, si tant est qu’elles nous permettent de nous retrouver autour d’une table, d’un livre, d’une manifestation, d’un projet, ou (pourquoi pas carrément) d’une candidate aux Présidentielles.

 

Et sur ces bonnes paroles, à vos pancartes, à vos écrans : (re)matez-vous d’urgence Mrs America, par ici.

 

(Bon à savoir : le dernier épisode sort jeudi prochain (07/05). De quoi vous taper cette pépite de A à Z en bonne et due forme).