Le livre d’histoire des féminismes qu’on a attendu toute notre vie

Vous vous souvenez du chapitre “Histoire des Féminismes” dans les livres d’histoire du collège-lycée ? Non ? Normal : ça n’existe pas. C’est en partant du constat que nous avons toutes besoin de connaître l’histoire de ce mouvement qui a conquis tant de nos droits et de nos libertés, que la journaliste et autrice Marie Kirschen a eu l’idée de monter Herstory : une histoire des féminismes illustrée par la talentueuse Anna Wanda Gogusey.

Mais où est-ce que nos luttes commencent, et où est-ce qu’elles finissent ? Pour mieux y voir clair et cartographier le vocabulaire et les idées fondamentales de ces mouvements, les autrices ont choisi de ranger toutes ces notions façon dictionnaire : A comme Avortement, B comme Beyoncé, N comme Not All Men, T comme Terf… 245 pages plus tard, ce livre tient son pari : on a appris (beaucoup), on a ri (oui, aussi), et on a gagné masse savoir et arguments pour nos prochains débats.

 

Cerise sur le gâteau : plutôt que d’ériger une fois de plus en icônes les grands noms des luttes féministes (coucou Beauvoir, coucou Veil), Marie Kirschen préfère rendre hommage aux mouvements radicaux et aux militant·es dans leur ensemble. Pour réécrire l’histoire plus justement, et visibiliser toustes les anonymes que l’on oublie (trop) souvent au profit de celles qui ont bénéficié d’un rayonnement médiatique.

 

Une manière de nous dire et de nous rappeler que ces luttes sont les nôtres, bref : qu’elles sont celles de toutes les femmes. Un lecture géniale et riche, à prolonger en s’adonnant aux joies du puzzle badass réalisé pour l’occasion par Anna Wanda Gogusey.

 

La révolution, oui, mais en mode ludique aussi SVP <3.

 

Herstory, Histoire(s) des féminismes, un livre de Marie Kirschen, illustré par Anna Wanda Gogusey, à découvrir aux éditions La Ville Brûle, 25€



Un roman graphique pour se réapproprier son corps

Ça commence à 12 ans, à la première visite chez le gynéco : Morgan, qui a des douleurs de règles vénères, se retrouve à se faire prescrire une pilule sans plus d’explications, alors qu’elle n’est qu’une pré-ado. Puis ça continue à 20 ans, quand ses parents se permettent de juger ses choix de vie, elle qui est artiste (#cestpasunmétier). Ça s’étend même jusque dans son lit, et au coeur de sa vie sexuelle, quand son partenaire lui dit que “c’est bien d’avoir des enfants tôt pour une femme, tu sais”.

 

Bref, le roman graphique de Camille Ulrich et Mathilde Ramadier a un nom (très) bien choisi : Corps Public.

 

Vous vous reconnaissez rien qu’un peu dans cette histoire ? Pas étonnant : c’est l’histoire d’une vie, l’histoire d’un corps de femme cisgenre et hétéro dans nos sociétés modernes. Une vie où, quoique vous fassiez, il y aura toujours quelqu’un pour commenter vos décisions et vos choix, et vous donner son avis. Une vie où l’on vous dit d’être libre, d’être vous-même, de vous réaliser... jusqu’à ce qu’on vous rappelle de ne pas trop manger, de ne pas faire trop de bruit, et de vous dépêcher parce que “attention à ton horloge biologique”.

S’emparant avec intelligence et poésie du sujet du corps des femmes, cette BD nous montre l’ampleur de l’ambivalence de ces discours et diktats, mais aussi l’impact qu’ils ont sur nos vies, nos sexualités, notre santé sexuelle et mentale. À travers le parcours de Morgan - de ses envies d’indépendance et de carrière, jusqu’à son désir de grossesse - les autrices racontent cette quête difficile de liberté d’être soi, et de ce désir ambivalent d’être mère (...ou pas, justement). Un roman graphique coup de cœur porté par la plume de l’autrice Mathilde Ramadier et le coup de crayon géniesque de Camille Ulrich !

 

Corps Public, un roman graphique de Mathilde Ramadier et Camille Ulrich, aux éditions du Faubourg, 20,90 €



Un (génial) tract pour repenser nos vies et nos luttes sous pandémie

Trois chapitres : le premier pour le confinement de mars 2020, le deuxième pour le déconfinement de mai, le troisième pour le reconfinement d’octobre. Simple, efficace, basique.

 

S’associant à un collectif de 14 soignant·es, chercheur·euses, et enseignant·es, la philosophe Barbara Stiegler nous invite à repenser la gestion de la crise du Covid-19 par nos politiques, dont les effets sont de plus en plus dévastateurs pour les plus fragiles, les plus précaires, mais aussi pour nos luttes, nos libertés et la démocratie (poke Darmanin, poke Loi Sécurité Globale).

Que faire de nos luttes qui peinent à se réorganiser ? Comment questionner les décisions mises en place par nos politiques tout en proposant de vraies solutions alternatives pour nos vies sous cloche ? Comment continuer à penser et à défendre la démocratie en état d’urgence sanitaire ?

 

Publié sous la forme d’un petit tract, cet essai argumenté est une bouffée d’oxygène intelligent et contestataire pour nos vies covidées-confinées, qui nous invite non pas à balancer nos masques et à crier au complot, mais plutôt à défendre nos droits, propositions alternatives pour la santé, la recherche et l’éducation à l’appui. Et comment vous dire que ça fait un bien fou d’entendre un discours construit et intelligent sur ces sujets (#pascomplotiste) ?

 

De la démocratie en pandémie. Santé, recherche, éducation, de Barbara Stiegler, aux éditions Gallimard, Tracts, 3,90 €



Un roman dystopique et poétique qui fait l’éloge de la sororité

Une claque. Et de toute beauté en plus. On s’est complètement laissées happer par le nouveau roman de l’écrivaine et performeuse Wendy Delorme, qui nous téléporte au cœur d’une société fictive du futur, dans une Europe gangrenée par les catastrophes écologiques et les politiques liberticides.

 

Ce qu’il s’est passé ? La crise climatique a tout dévasté sur son passage. Parmi la génération des jeunes mobilisé·e·s pour le climat, il y a eu une vague de suicides. Et pour mieux l’endiguer, le gouvernement de cette société dystopique n’a rien trouvé de mieux que de mettre en place une politique nataliste. Flippant ? On en convient. D’autant que ce roman semble faire résonner l’écho (terrible) des crises qui parcourent nos sociétés en ce moment.

Mais Wendy Delorme ne se contente pas d’imaginer un monde où la violence régnerait en maître : si elle la raconte avec une telle intensité, ce n’est que pour mieux nous montrer où et comment peuvent exister les alternatives. Car en dehors de ce monde sous cloche qui ferme ses frontières pour ne pas accueillir les réfugié·es climatiques, une communauté de femmes s’organise pour survivre et pour résister. Elles sont des marginales, “toutes brisées et pourtant incassables”. Et surtout : plus fortes ensemble.

 

Ce roman puissant est pensé comme une chorale sororale : les chapitres mêlent et racontent les souvenirs de 5 personnes différentes, témoignant ainsi de la diversité des vécus de chacun·e, des stratégies employées pour survivre et se rebeller dans un système oppressif.

 

Violent mais poétique, dystopique mais révolutionnaire, ce roman est un hommage à la puissance des idées et des manières de vivre de celleux qui ne rentrent pas dans le moule. De quoi nous rappeler la beauté et la nécessité de nos luttes et de nos révoltes dans un monde au bord du burn-out.

 

Viendra le temps du feu, un roman de Wendy Delorme, aux éditions Cambourakis, 18€



Une balade poétique au milieu d’une maison confinée

Si on vous dit confinement, vous pensez… seum ? Amertume ? Absence de vie sociale ? #Rendeznous2019 ? En ce qui nous concerne, on préfère (de temps en temps) se mettre la tête dans le sable et ouvrir le tout nouveau livre de Pauline Delabroy-Allard : Maison-tanière.

 

Pour l’écrire, son autrice s’est retirée en solo dans une maison, loin du monde et de tout, en 2017. Et elle s’est lancé ce pari créatif : chaque jour, choisir un vinyle, écrire, et prendre des photos. Laisser les mots couler, les pensées s’échapper, et raconter ce qui lui passe par la tête, entre beauté et banalité du quotidien et de la vie.

 

Moitié-journal intime, moitié-recueil de poèmes, ce livre est comme un éloge de la lenteur, et de la contemplation créatrice. Et dans le fond, c’est peut-être ça, le rôle de la poésie : nous embarquer dans un monde parallèle que les mots permettent de réinventer à loisir. Ou, comme le dit l’autrice : “la poésie comme un refuge dans la fugue, une cabane dans la cavale, une cachette dans l’échappée.”

 

Alors, on y va ?

 

Maison-tanière, un recueil de poèmes de Pauline Delabroy-Allard, à paraître le 8 avril aux éditions l’Iconopop, 13€



Bonus : un manifeste pour des sexualités qui glissent

Un des trucs qu’on aimerait beaucoup pour le “monde d’après” ? Que nos sexualités soient heureuses, libérées, et épanouissantes (#auminimum).

 

Bon. On en n’est clairement pas encore là, mais on a trouvé dans l’Éloge Poétique du Lubrifiant de Lou Sarabadzic quelques idées pour imaginer la suite. Car si le lubrifiant ne possède pas de super-pouvoirs politiques (#toobad), il dispose tout de même d’un sacré potentiel révolutionnaire. Pour le plaisir, pour une sexualité sans douleurs, pour du sexe créatif basé sur le respect mutuel des envies et du corps de chacun·e.

 

Alors c’est vrai : on vous a déjà écrit un article pour parcourir le sujet du lubrifiant en long en large et en travers. Mais au-delà de ses fonctions pédago, ce livre est tout simplement un trésor littéraire, blindé d’humour et de punchlines qui donnent autant envie de faire la révolution du cul que d’apprendre à mieux découvrir son plaisir.

 

Tout simplement ET exactement ce qu’on a besoin et envie de lire en ce moment, pas vrai ? <3

 

Éloge poétique du lubrifiant, un livre de Lou Sarabadzic, à découvrir aux éditions Le Nouvel Attila, 12€