L’argent, ce tabou pas rentable

 

Pendant longtemps, les femmes ont été exclues de la sphère financière : ce n’est qu’en 1965 que les Françaises mariées obtiennent le droit d’ouvrir leur propre compte en banque, et en 1967 qu’elles peuvent investir en Bourse – soit il y a moins de 60 ans.

 

Un historique qui explique qu’encore aujourd’hui, les femmes n’ont pas la même éducation que les hommes concernant la thune. Comme le détaille Lucile Quillet dans Le prix à payer : ce que le couple hétéro coûte aux femmes (Les Liens qui libèrent, 2021), « nous apprenons à ne pas nous y intéresser. Nous pensons que, comme les mathématiques, nous n’y comprenons rien, que les chiffres et les sciences rationnelles ne sont pas notre langage, les garçons y excellent bien mieux. Prendre, comme compter, ne serait pas dans notre nature. Donner, oui. »

Sauf que ces barrières psychos et culturelles ont des conséquences : 64% des femmes n’investiraient pas par manque de confiance en elles et parce qu’elles considèrent l’investissement comme compliqué, d’après une étude de J.P. Morgan, et elles investissent moins que les hommes : 23% vs. 37%, selon la banque BPI France. Pire, l’investissement paraît tellement inaccessible que 35% des femmes laissent leur partenaire gérer tous leurs placements, et surtout les jeunes : plus de la moitié des femmes de 18-24 ans confient la gestion de leur argent à mec.

 

 

La moula au bout du tunnel

 

Alors pour nous encourager à reprendre la main sur notre cash, les initiatives se multiplient. Bouquins, applis, newsletters, podcasts, comptes Insta ou encore plateformes d’investissement, les propositions débarquent fort pour qu’on puisse enfin accéder à ce monde fermé.

 

On pense par exemple FEMCA, un programme pour former les femmes à l’investissement en ligne fondé par Hélène Gherbi, 31 ans, après qu’elle ait quitté son job dans le luxe. Objectif ? « Mettre fin à cette véritable inégalité d’accès à l’investissement, et montrer qu’avec un minimum de connaissance, tout le monde peut commencer à prendre ses finances perso en mains ».

Pour Hélène Gherbi, si l’investissement nous paraît nébuleux, c’est notamment à cause du jargon financier : « On nous donne l’impression qu’il s’agit d’une matière ultra-technique, réservée aux gens de l’industrie ou qui investissent déjà ».

 

Or, une fois qu’on a les bases, ce n’est pas si complexe. C’est ce que nous montre l’experte de l’égalité femmes-hommes au travail Clara Moley dans son podcast Starter pack dans lequel elle répond aux questions primordiales telles que : c’est quoi la diff’ entre une action et une obligation ? Où va mon argent quand j’investis ?

 

 

Mais pour quoi faire en fait ?

 

« Investir n’est pas une option, c’est se donner les moyens de vivre sa vie », assène Clara Moley dans le premier épisode de son podcast. En effet, quand on le peut, placer notre argent permet de financer nos projets : notre futur appart, notre voyage de rêve ou encore l’éducation de nos potentiels kids.

 

Surtout, c’est un moyen quand on est une femme d’assurer notre sécurité financière et d’être indépendante, mais aussi une façon de pallier aux inégalités de salaires qui persistent - les Françaises continuent d’être payées 22% en moyenne moins que les hommes (oui vous avez bien lu) - et cela a un vrai impact sur notre vie, surtout quand on vieillit. Les femmes touchent environ 40% de moins de retraite que les hommes, alors même qu’elles vivent en moyenne 5 ans de plus. D’où l’importance d’investir pour « réduire cette inégalité de richesses ou en tout cas d’éviter de l’empirer », explique Hélène Gherbi.

A côté de ça, une plus grande participation des femmes à l’investissement pourrait contribuer à « changer le monde », note la co-fondatrice de FEMCA, car elles seraient plus susceptibles d’investir dans des causes auxquelles elles croient, comme la protection de la planète.

 

Aujourd’hui, plus de 60% des femmes de moins de 40 ans disent choisir leurs investissements en fonction de leur impact sur les questions sociales ou environnementales selon une étude de la société d’investissement américaine BNY Mellon. « Cet argent pourrait contribuer à financer notre transition écologique et sociétale et à aller dans certaines directions où on manque aujourd’hui de financement », détaille Hélène Gherbi.

 

Finalement, en plus d’assurer nos arrières et de préparer notre avenir, l’investissement est aussi un levier d’empowerment et un moyen de se sentir maîtresse de notre vie.

 

 

2 ou 3 tips pour se lancer

 

L’étape fondamentale avant d’investir c’est vraiment de « se poser la question de pourquoi j’ai envie d’investir », conseille Hélène Gherbi. « C’est très important parce que ça donne une vraie motivation pour le faire et pour continuer ce projet dans la durée, parce que ça prend du temps, et qu’il faut faire des choix ».

Côté pratique, la première chose à faire, c’est de se constituer une « épargne de précaution – soit l’équivalent d’environ 3 mois de salaires », explique Léa Lejeune, créatrice du média Plan Cash (@plancash_media sur Insta). « C’est ce qui permet de faire face en cas de coup dur, mais aussi ce qui permet de prendre des risques sur le reste des investissements ».

 

Une fois qu’on a cette épargne et qu’on commence à investir, il faut « diversifier un portefeuille » détaille la journaliste économique. Concrètement, cela signifie ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier et investir son argent dans différents types de placements comme l’immobilier (contactez un courtier), l’assurance-vie (appelez votre banquier·e), des actions (initiez-vous avec ce MOOC) ou même des cryptos (suivez @la_mineuse).

 

« Contrairement à ce que l’on pense, plus on investit jeune, mieux c’est, car l’investissement, en général, c’est non pas de jouer avec la bourse, mais de placer son argent sur une durée à long terme, entre 5 et 7 ans, ce qui permettra d’avoir un rendement intéressant », explique Léa Lejeune.

 

En tout cas, même si ça ne vous dit pas pour le moment, vous pouvez déjà commencer à parler argent avec vos potes ou suivre des comptes Insta qui rendent la question plus accessible comme @weinvest_ff, @lapetitebudgeteuse, @financetesrêves ou encore @oseille.et.compagnie. On se rappelle dans 5 ans pour partager les bénéf ?

 

Olivia Sorrel-Dejerine