Commençons par une confession : j’ai un peu menti, dans cette intro. Pendant l’été 2021, ce n’est pas tant le sexe que j’ai laissé tomber… mais plutôt le fait de me sentir coupable de ne pas en faire. Car ça faisait déjà quelque temps, pour être honnête, qu’à chaque fois que l’occasion se présentait, j’étais mi-figue-mi-raisin.

 

Et des occasions, j’en avais, pour une raison toute simple d’ailleurs : je suis polyamoureuse, et j'ai trois partenaires (enfin… j’avais). Trois amoureux curieux, dégourdis, et bien intentionnés. Trois personnes avec qui explorer les joies du sexe - avec ou sans pénétration, avec ou sans sex-toy, avec ou sans orgasme (sans compter la partenaire sexuelle que je suis pour moi-même, bref, ça faisait du monde au balcon).

 

Seulement voilà. Malgré toutes ces bonnes intentions, ma culture féministo-sexuelle, ma connaissance plutôt bien ficelée des mécanismes à l’oeuvre dans le cul hétéro et mon envie de les déboulonner un par un, je ne pouvais pas m’empêcher de me dire : « Meuf, il y a un truc qui cloche ».

Le truc, c’est que j’ai passé tellement de temps à vivre ma sexualité comme un jeu de rôles que je ne sais même pas vraiment ce que je veux dans le fond. La faute au porno, la faute à hétéro-land ? Peut-être bien. Parce que pour rentrer dans le moule de la “bonne meuf”, j’ai fait beaucoup d’efforts (ou plutôt de sacrifices) : épilation intégrale, achat de sous-vêtements type porte-jarretelles, bas, et strings qui te défoncent les muqueuses, talons aiguilles… Dans les premières années de ma sexualité, j’avais tellement poncé le dossier de la féminité que je jouais un rôle sans même m’en rendre compte. Mon objectif numéro 1 : faire plaisir. Impressionner.

 

Alors certes, depuis, j’ai changé : je ne cherche plus à me conformer à ce qu’est le “sexy” dans mes choix de sous-vêtements par exemple, sauf si ça me fait plaisir et que j’en ai envie. Et puis surtout : j’ai vécu de beaux moments de jouissance et j’ai une vie sexuelle qui n’a rien à voir avec celle que j’avais il y a 10 ans. Mais justement.

 

Plus je m'implique dans des relations où l’on me laisse la place de dire « non », de dire « j’ai pas envie », de dire « touche-moi comme ça », ou de dire « j’aimerais bien qu’on le fasse de cette façon »... Et plus je me demande : qu’est-ce que je veux vraiment ? Et surtout, comment savoir ce que je veux, comment accéder à une sexualité qui me ressemble et qui me plaise vraiment, après avoir passé des années à vivre ma vie sexuelle comme une performance ? Gros bordel mental en vue, vous en conviendrez.

Alors voilà, à l’été 2021, j’ai finalement fait ce constat : même si mon/mes partenaires sont géniaux, même si j’ai enfin trouvé la paix et une manière de me réapproprier mon corps et ma liberté sexuelle dans le polyamour, je n’ai plus envie de sexe pour le moment. Et c’est une petite victoire pour moi de l’assumer, de ne pas m’en excuser auprès de mes partenaires ou des ami·es avec qui j’en discute.

 

C’est un soulagement de réaliser et d’assumer qu’une relation amoureuse n’a pas forcément besoin de sexe pour exister. Qu’on peut aussi passer des semaines et des mois à avoir des échanges passionnants et des moments de tendresse, sans se dire qu’il y a un truc qui cloche parce qu’on ne couche pas ensemble.

 

Donc oui, je suis abstinente. Mais non, ce n’est pas triste. Bien au contraire. Je le vois précisément comme un moment important de ma vie, un moment où je me remets au centre de mon monde, où je choisis en quelque sorte de “remettre les compteurs à zéro”. Pour moi, arrêter d’avoir une sexualité en ce moment, c’est une façon de me couper une bonne fois pour toutes de la manière dont je l’ai vécue jusqu’à maintenant. De me laisser le temps d’y revenir par moi-même, quand je serai prête, inspirée, quand j’en aurai envie.