Mental breakdown

 

Clara, c’est le personnage principal de ce livre. Elle a 27 ans, elle vit au Canada, elle est attachée de presse débutante et poétesse, elle a des ami·es sur qui elle peut compter. Elle se lève tous les matins pour aller bosser, déjeune devant son ordi ou avec une collègue sympa. Mais les choses, globalement, vont juste de pire en pire : elle a la flemme de tout, et puis l’envie de rien. Elle fait en sorte que la vie continue mais tout devient plus compliqué : répondre à un texto, prendre le métro ou avoir une conversation normale avec les gens. Et même si elle se couche à 21h, elle est tout le temps fatiguée. Alors, elle s’en veut.

Comment vous dire qu’avec un personnage pareil, Mirion Malle a vite fait de tirer le portrait à la dépression. Une maladie qui est aussi vicieuse parce qu’elle s’exprime par l’absence : d’envie, de motivation. Et que c’est précisément cette absence (de joie de vivre, globalement), qui met la personne dépressive dans un état de culpabilité avancé (du genre : “j’en fais pas assez pour m’en sortir… mais pourquoi je m’en fous ?”) ; et ses proches dans un état d’impuissance assez badant (du genre : “on peut faire quoi pour que t’ailles mieux, finalement ?”).

 

Résultat : les personnes dépressives sont souvent isolées. D’abord parce qu’elles s’isolent (envers et malgré elles) et ensuite parce qu’il devient de plus en plus difficile de revenir : à la surface, à la vie sociale, à la normale.

 

 

Petit guide de lecture pour proches complètement largué·es

 

Souvent, ça peut être compliqué pour l’entourage de comprendre que la dépression est une maladie qui n’a rien à voir avec un coup de blues ou un épisode de déprime annuel. Communiquer devient parfois tortueux, et les proches ont vite fait de se transformer en (micro)-agresseurs.

Dans le roman graphique de Mirion Malle, on voit le personnage de Clara qui s’éloigne peu à peu de ses ami·es, pour finir par les croiser un soir par hasard, en route pour une soirée à laquelle elle n’a pas été invitée. Cercle vicieux numéro 2 : parce qu’elle dit toujours non, les gens ne l’invitent plus. Renfermée sur elle-même, elle se retrouve plus ou moins solo.

 

Pas facile dans la mesure où cette maladie se caractérise aussi par des spirales de pensées négatives, culpabilisantes, et si intenses qu’elles peuvent couper littéralement tout contact avec le réel. C’est comme ça que je disparais, le titre est bien choisi.

Obviously, la dépression n’est pas livrée avec le mode d’emploi - ni pour la personne malade, ni pour ses proches. Mais l’essentiel de ce que l’on peut (s’)offrir tient en peu de mots : un espace bienveillant, ouvert, où un dialogue sans jugement soit possible. Et si on va trop loin (parce qu’on peut se sentir comme “poussé·e à bout”) : être OK avec le fait de présenter ses excuses.

 

Obviously, la dépression n’est pas livrée avec le mode d’emploi - ni pour la personne malade, ni pour ses proches. Mais l’essentiel de ce que l’on peut (s’)offrir tient en peu de mots : un espace bienveillant, ouvert, où un dialogue sans jugement soit possible. Et si on va trop loin (parce qu’on peut se sentir comme “poussé·e à bout”) : être OK avec le fait de présenter ses excuses.

 

 

The sisterhood therapy

 

208 pages de talent plus tard, on le comprend : ce qu’il (nous) faut, envers et contre tout, ce sont des espaces. Et même carrément des safe spaces, pour pouvoir lâcher ce qui nous pèse sans craindre de nous sentir jugé·e. Et c’est un peu le joyau, le coeur du propos de C’est comme ça que je disparais : aborder la question de la dépression chez les (jeunes) femmes qui ont été victimes de violences sexuelles. Comment on grandit/vieillit avec ça ? Comment on se construit avec ce/s trauma/s ?

Parce que si les femmes sont deux fois plus susceptibles de faire une dépression au cours de leur vie, c’est aussi parce que leur vie est plus violente, et que les parcours de reconstruction qui suivent ces épisodes traumatiques peuvent être longs, fastidieux ou carrément (méga) coûteux pour les plus précaires d’entre nous. Parce que l’accès à des soins, ou à un suivi médical ou psychologique n’est pas forcément possible pour tous·tes.

 

Alors ces espaces, parfois, ce sont aussi vos meilleur·es potes qui peuvent vous les offrir. Votre famille de lutte, votre famille tout court, bref : les oreilles aimantes et bienveillantes qui sont autour de vous.

Et bon. Évidemment, et comme le souligne l’un des personnages de ce livre, guérir de cette maladie n’est jamais un miracle. Ça ne vient jamais d’un seul coup. Mais justement, et plus encore dans ce contexte : même les micro-moments de joie ou de paix avec soi-même sont à fckn célébrer. Il y a des rechutes, des crises d’angoisses, des semaines horribles.

 

Mais ça va. Aller. On vous dit.

 

C’est comme ça que je disparais, de Mirion Malle, aux éditions La Ville Brûle, à lire, offrir, et à découvrir par ici.